Communiqué Survie TOGO
C O M M U N I Q U É Paris, le 30 juin 2003

Lettre ouverte à Monsieur Jacques Chirac, Président de la République, au sujet de la politique française à l'égard du dictateur togolais Eyadéma en particulier, et du cas de Dimas Dzikodo en particulier.

Monsieur le Président,

Selon une source fiable1, le journaliste indépendant Dimas Dzikodo, arrêté le 14 juin dernier et gardé à vue à la Direction de la Police Nationale, a été victime de tortures onze jours durant. Monsieur Dzikodo est accusé de diffusion de fausses nouvelles. Le journaliste était en possession de photographies de personnes souffrant d'atteintes corporelles. Les blessures, selon la source de ces documents, seraient consécutives à de mauvais traitements infligés par des éléments de la force publique. M. Dzikodo devait vérifier les éléments en sa possession afin d'éclaircir les faits : s'agit-il de graves abus exercés sur des civils, ou, comme l'affirment les autorités togolaises, de photos d'accidentés de la route ? M. Dzikodo faisait son travail de professionnel de la presse - informer le public. La riposte de la dictature togolaise est fidèle aux habitudes dictatoriales : réprimer par les moyens les plus brutaux toute tentative visant à cerner la vérité. Comme vous le savez, il en est ainsi au Togo depuis des décennies.

Dans ce sinistre contexte, nous avons pris connaissance avec stupeur des félicitations que vous avez adressées au dictateur Eyadéma, avant la publication officielle des résultats de l'"élections présidentielle" bien qu'aucun observateur sérieux n'ait envisagé d'attester leur déroulement démocratique. Nous avons relevé avec consternation vos souhaits que le dictateur emprunte, dans la foulée de ce simulacre électoral, la voie de l'"unité nationale". Vous avez, Monsieur le Président, trop d'expérience en politique pour ne pas ignorer que l'unité d'une nation, le consensus social minimum qui la fonde, est un bien inconstructible sous une dictature. D'où notre consternation redoublée d'apprendre que votre conseiller, Monsieur Michel de Bonnecorse, ainsi que le ministre délégué à la Coopération, Monsieur Pierre-André Wiltzer, se sont rendus auprès du dictateur Eyadéma, le 20 juin dernier, lui porter la caution de la France lors de son investiture.

Cela a été fait en notre nom de citoyens, avec notre argent de contribuables. Ce soutien, qui fait suite à une trop longue connivence entre notre pays et le dictateur Eyadéma, contribue, comme par le passé, au maintien au pouvoir d'un criminel contre l'humanité2 et à sa longue impunité.

Nous souhaitons vous exprimer, Monsieur le Président, notre profond dégoût, notre refus sans appel de cautionner par le silence une telle politique conduite en notre nom. Il y va de notre dignité de Français d'exiger de vous que celle-ci soit revue et corrigée d'urgence. Nous vous prions, en un premier temps, de bien vouloir exercer immédiatement, auprès des autorités togolaises, une pression forte susceptible de contraindre ces dernières à libérer tous les prisonniers injustement détenus au Togo. " Il est fini le temps de l'impunité ", avez-vous proclamé lors du dernier sommet Afrique-France : nous attendons donc que vous dénonciez, simultanément et publiquement, la torture pratiquée dans ce pays3.

Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.

Pour Survie, le Président,
François-Xavier Verschave.


1/ Qui s'exprime sous couvert d'anonymat afin d'éviter pour lui même les nombreuses atteintes aux droits humains dont Dimas Dzikodo est victime.
2/ Infliger la torture est un crime contre l'humanité.
3/ La pratique de la torture au Togo est de notoriété publique.

Version .doc du communiqué