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Etude 2003
" Intolérance et violences à légard de
lislam dans la société française "
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http://www.commission-droits-homme.fr/travauxCncdh/intoleranceIslam.html Note de présentation Dans le cadre de son Rapport 2003 sur la lutte contre le racisme et la xénophobie, qui sera remis au Premier ministre en mars 2004, la Commission nationale consultative des droits de lhomme a décidé de présenter une réflexion consacrée au thème : " Intolérance et violences à légard de lislam dans la société française ". Une étude introductive a été élaborée par la sous-commission " Racisme et xénophobie ", présidée par Mme Martine Valdès-Boulouque. Ce travail collectif a été examiné par lassemblée plénière de la CNCDH, réunie le 20 novembre 2003. Lambition de cette étude est double : - sensibiliser les pouvoirs publics et lopinion de notre pays à cette forme de racisme ; - ouvrir et nourrir la réflexion en proposant un premier état des lieux et en dégageant des pistes de travail. La CNCDH qui poursuivra ses travaux sur ce thème à partir de ce document a demandé à tous ses membres (associations, syndicats, personnalités qualifiées dans le domaine des droits de lhomme) de lui transmettre leurs contributions écrites, qui seront incluses dans le rapport annuel. 1ère partie : Introduction
La Commission Nationale Consultative des Droits de lHomme a souhaité consacrer une étude spécifique aux phénomènes dhostilité à légard de lislam qui se manifestent dans la société français car ils ont constaté que cette question avait dernièrement émergé sur la scène publique. En effet, depuis quelques mois, des faits regrettables (profanation de tombes musulmane, incendies de mosquées, violences physiques ), des livres au contenu haineux et de nombreux ouvrages de fond se disputent le terrain médiatique sur le regard que portent nos concitoyens sur lislam. Le contexte international récent et son retentissement national ont particulièrement nourri cette actualité. Lobjet de cette étude nest pas de revenir sur les rapports entre islam et laïcité même si certains estiment que le rejet et la stigmatisation dont souffre la religion musulmane ne peuvent être déconnectés de ce débat. La polémique est même intense sur ce point : tandis que Michèle Tribalat trouve malheureux quon laisse lislam sexprimer bien au-delà des limites fixées par le principe de laïcité, dautres estiment que cest cette même vision rigoriste de neutralisation du champ public qui porte atteinte à lislam et quune " réinterprétation " de notre laïcité est aujourdhui nécessaire. La CNCDH nignore pas ces débats majeurs puisquune étude spécifique est actuellement en cours de préparation sur la laïcité, thème au cur de lactualité de la rentrée 2003.
A travers la présente étude, la Commission souhaite traiter en toute neutralité de ce phénomène dhostilité subi par les musulmans, le cerner et étudier les rapports complexes entretenus entre racisme, xénophobie et islam. Il sagit aussi de faire la part des fantasmes et didentifier, dans ce débat piégé, sil existe une dimension spécifiquement religieuse qui permettrait disoler une réelle " islamophobie ". De fait, depuis quelques mois, certains parlent en France dune " islamophobie " grandissante comme pour répondre, dans une pseudo-symétrie, aux discours sur la nouvelle judéophobie, notion portée par P-A Taguieff. Des ouvrages de V.Geisser ou de M.Wieviorka qui viennent de paraître, ainsi quun récent colloque du MRAP ont largement mis en avant cette notion d" islamophobie ". Le Premier ministre J-P Raffarin a lui-même repris ce terme dans son allocution à la Grande Mosquée de Paris le 17 octobre dernier. Pourtant, cette notion ne semble pas avoir trouvé de définition précise et arrêtée et nous verrons quelle tend souvent à se confondre avec le racisme anti-maghrébin. Il sagit donc pour la CNCDH de définir cette défiance à légard de lislam et de rassembler les faits qui permettraient de mesurer son évolution dans la société française. On peut noter quil est particulièrement difficile de faire un bilan des manifestations actuelles car les sources objectives dont on peut disposer sont rares. Il sagit aussi dexplorer les différentes pistes de réflexion existantes sur les causes et racines de ce phénomène de rejet. Enfin, nous tenterons de dresser un inventaire des actions de lutte contre cette hostilité polymorphe et des " bonnes pratiques " pouvant être étendues dans un contexte dinscription irréversible de lislam dans le paysage français.
I) Le problème sémantique Quelle définition de " lislamophobie " ? Une Terminologie problématique La France est le pays européen qui connaît la plus forte population dorigine musulmane. Mais, les chiffres réels du nombre de croyants musulmans et de musulmans pratiquants sont impossibles à établir (faute de catégorie statistique). Il ne sagit donc que de projections plus ou moins hasardeuses établies sur la base de lorigine des populations immigrées de France. Le nombre de musulmans pratiquants a ainsi été évalué en France à 1 million par le Haut Conseil à lIntégration. Ces populations dorigine immigrée étaient jusque là victimes de racisme ou de xénophobie au sens le plus classique (voir les rapports annuels de la CNCDH). Mais avec la conjonction dun contexte international délicat jetant la suspicion sur le groupe des musulmans, avec la poussée des revendications religieuses de ces mêmes musulmans (souvent citoyens Français issus de la 2è, 3è générations, en tout cas résidents permanents), on a parlé dans les média dun nouveau phénomène, repris dans les analyses de certains experts : " lislamophobie ". Ce terme d" islamophobie ", récemment apparu en France au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, est utilisé depuis longtemps et pas toujours à bon escient- par différents organismes internationaux comme les Nations Unies, le Conseil de lEurope et plus récemment par lObservatoire des phénomènes racistes et xénophobes et la Commission européenne. En réalité, il semble particulièrement difficile de circonscrire dans les faits " lislamophobie ", ce sentiment vient souvent se confondre avec dautres : " arabophobie ", racisme anti-maghrébin. Pour certains, ces préjugés qui entourent lislam ne sont bien souvent que de nouvelles justifications qui viennent se fondre dans des phénomènes anciens déjà connus de discrimination et de racisme. On observe bien un glissement sémantique. Le fait que cette " islamophobie " pèse principalement sur les personnes dorigine maghrébine, et non sur lensemble des musulmans (et par exemple, les nombreux musulmans originaires dAfrique noire), étaye cette interprétation. On craignait et rejetait auparavant les " immigrés ", puis les " Arabes " voilà maintenant quil sagirait de " musulmans ". On constate ainsi un glissement des graffitis : de " Les Arabes, dehors !" à " Islam, dehors ! ". Le fonctionnement symbolique de la double désignation raciale (lAutre en tant quArabe) et spirituelle (LAutre islamique) est clair. Certains auteurs font le parallèle avec la double figure du peuple juif à laquelle viendrait sajouter celle de lOriental dont on craint aussi les complots internationaux, le pouvoir financier. " Lislamophobie " ne serait alors quun nouveau processus de légitimation de lethnicisation de lAutre, de son Alterité. Et ce, alors que la population dorigine maghrébine est pour une grande part intégrée au point de partager les mêmes pratiques sociales et de connaître un nombre dunions mixtes important. Dailleurs, nombreux sont ceux qui, à linstar de la LDH, récusent ce terme d" islamophobie ". Selon la Ligue, cest une nouvelle manière de voiler le cur des problèmes rencontrés par les populations arabo-musulmanes, à savoir lexclusion économique et sociale et la ségrégation. On se préoccupe en effet souvent des maux pour moins étudier et sattaquer aux causes. La ségrégation dans ces quartiers ghettos envahis par une violence qui effraie toute la société française nest-elle pas le ferment dune peur, de lamalgame et du rejet de ces populations par une partie de lopinion publique ? Il existe une relation complexe, quon ne peut nier, entre origine ethnique/religion/politique dintégration/lutte contre les discriminations et exclusion sociale. Par ailleurs, il faudrait constamment veiller à ne pas faire lamalgame entre " Arabe " et " musulman ". Non seulement parce que les catégories ne se recoupent pas : de nombreux musulmans sont dorigine africaine, turque ou tout simplement française (convertis notamment) et certains Arabes sont chrétiens (même sils sont rares en France) ou tout simplement athées. Mais surtout parce quil ne faudrait pas réduire les problèmes rencontrés par les Maghrébins (Arabes et Kabyles composent, il est vrai, la majorité des musulmans de France) aux problèmes rencontrés spécifiquement par les musulmans en tant que tels. Enfin, il apparaît que certains courants intégristes tentent dobtenir la requalification du racisme anti-maghrébin en " islamophobie " pour mieux tirer bénéfice des frustrations, jouer sur les replis identitaires religieux de la population dorigine maghrébine et faire du religieux le critère absolu de différenciation, de partage. Il faut donc manier ce terme avec la plus grande précaution. Comment définir " lislamophobie " ? Une définition impossible ? Il paraît évident que le contexte international nourrit lhostilité latente à légard de lislam. Le 11 septembre a créé de ce point de vue un véritable électrochoc avec le retour de la crainte de réseaux dormants islamistes. Mais ce contexte international a souvent renvoyé limage dun islam militant et violent: révolution iranienne, guerre civile en Algérie, attentats du GIA en France en 95, régime taliban Les dispositifs de sécurité exceptionnels, accentuant la surveillance et le contrôle mis en place en France comme dans toute lEurope après les attentats du 11/09, sont venus renforcer cette suspicion.
Etymologiquement, on pourrait définir " lislamophobie " par la peur irraisonnée et le rejet global de lIslam " à la fois religion, mode vie, projet communautaire et culture ". Pour le Centre pour lEgalité et la Lutte contre le Racisme de Belgique, " lislamophobie ", cest " la haine, le rejet dun islam réduit à une essence maléfique alors que lislam est de fait pluriel tant aux niveaux social, géographique, historique que culturel. Cette haine est alimentée par des préjugés et stéréotypes négatifs qui, le plus souvent, pratiquent lamalgame entre culture et religion ". Il sagirait dune peur qui empêche le contact, léchange et le dialogue et qui fait de son sujet, le musulman, le bouc émissaire, porteur de tous les maux de la société et du monde, et de lIslam le fossoyeur de la raison. En aucun cas, on ne peut systématiquement assimiler une critique de la religion islamique à un rejet global de lislam. On ne peut confondre l" islamophobie " et la dénonciation de lislamisme qui vise à contrer une vision idéologique et politique de la religion musulmane débouchant sur une contestation du pouvoir et sur la volonté détablir un Etat islamique. Pour le MRAP, " lislamophobie ", cest " une peur illégitime de lIslam " qui prolonge le racisme anti-arabe. Le lien que nous avons tracé ci-dessus avec dautres notions est à nouveau souligné. Pour certains, " lislamophobie " recoupe lexclusion, la violence, les préjugés véhiculés par le tout un chacun et les média, les discriminations. Si lensemble de ces situations peuvent être effectivement basées sur des préjugés anti-musulmans, elles sont rarement basées sur cet unique critère, même si la discrimination religieuse existe et concerne en priorité les musulmans. Certains, comme Vincent Geisser, vont plus loin en mettant en cause lattitude de représentants dun islam moderne et de personnalités politiques issues de limmigration maghrébine qui, par leurs critiques virulentes des islamistes et des courants néo-conservateurs de lislam, feraient le jeu de cette " islamophobie ". Il est impossible dentériner cette vision qui vient délégitimer toute prise de parole de dénonciation de ces mouvements radicaux. Les individus qui critiquent limmixtion de lOpus Dei dans les affaires publiques de certains Etats ou qui luttent contre linfluence et les revendications des catholiques intégristes de Saint Nicolas du Chardonnay ne véhiculent pas une hostilité générale à légard du catholicisme. De même, pour ceux qui fustigeaient les prises de position du Pape Jean-Paul II sur la contraception, le préservatif ou lhomosexualité. Ceux qui refusent une vision religieuse totalisante coupée du monde moderne, ceux qui luttent contre un ordre moral réactionnaire que certains voudraient imposer, ceux qui refusent une interprétation coranique qui fait de la femme un être soumis, frappé de limpureté, ne se situent pas forcément dans une dénonciation globale de lislam et des musulmans. Cest même parfois en musulmans, dans le cadre du nécessaire débat intra-religieux, que ces personnalités interviennent sur toutes ces questions dans le champ public. Ainsi, pour M. Dalil Boubakeur Recteur de la Grande Mosquée de Paris et par ailleurs Président du Conseil Français du Culte Musulman, " la France nest pas globalement hostile à lislam. Il sagit surtout d " islamistophobie ", dun rejet des islamistes. Et, il est légitime de se méfier de la politisation de lislam. Ce qui différencie lislam de lislamisme, cest justement le refus de toute implication dans le monde politique. Le rôle de lislam nest pas de répondre aux problèmes sociaux ou économiques. La religion fait partie dune autre sphère et ceux qui veulent trouver des solutions à partir des textes religieux à des problèmes actuels même identitaires- font fausse route et sont dangereux. Ce type dattitudes aboutit à terme au communautarisme car il entraîne des replis identitaires contraires à notre esprit dintégration et favorise linstauration de petits pouvoirs intra-communautaires ". Mais il est vrai que lhostilité qui frappe lislam -qui pouvait exister avant le 11 septembre- sest dernièrement vue renforcer par la confusion des termes musulman/ islamique/ fondamentaliste/ islamiste/ terroriste qui est propagée et la peur avec. De fait, sous le vocable d" islamiste ", on ne désigne plus simplement des mouvements politico-religieux, le terme a été largement étendu aux fondamentalistes, à tous ceux qui ont une interprétation et une pratique rigoriste du Coran. Pour une part même, cest toute forme daffirmation islamique qui semble suspectée davoir partie liée à lislamisme politique. En ce qui concerne la France, une triple suspicion pèserait sur lIslam, en tant que religion dans un pays fortement sécularisé, en tant que religion des ex-colonies surchargée dune mémoire daffrontement et enfin comme " religion terroriste " ou " religion combattante " (Djihad). Mais, lhostilité à lislam est polymorphe, elle naît des représentations fantasmagoriques sur lislam. Ce qui est en jeu pour certains auteurs, cest la convergence des acteurs hostiles à lislam qui, au départ, peuvent être motivés très diversement par la peur du communautarisme que les élites favoriseraient, le combat contre une société multiculturelle ou le traitement sécuritaire de lislam Peut-on distinguer des actes " purement islamophobes " ? Peu de faits, qui marqueraient une hostilité spécifique à la religion musulmane en tant que telle, sont susceptibles dêtre retenus. Lauteur de violences à lencontre dun maghrébin na souvent lui-même pas identifié clairement les préjugés qui le motivent au moment où il accomplit son délit, tout se mélange dans linconscient du " raciste ". En effet, les associations, notamment, ont remarqué quil nétait pas rare quune discrimination, une violence ou une menace . nindique pas clairement le présupposé, le préjugé mis en uvre par son auteur. La victime souvent maghrébine cherche alors à comprendre et de multiples " possibilités " restent ouvertes : xénophobie (quand on est étranger), racisme, et effectivement hostilité religieuse. Mais, rien nindique bien souvent, chez la personne agressée, sa confession et ses pratiques religieuses. Le faciès reste donc lélément courant de repérage social pour les racistes. Enfin, il faut prêter attention au phénomène de victimisation observé notamment dans les établissements scolaires. Il semblerait que certains élèves musulmans aient tendance à expliquer tous leurs problèmes, tous leurs échecs, toutes les discriminations ressenties par " lislamophobie " des institutions. Les mêmes parlaient auparavant de racisme pour désigner les mêmes phénomènes, les mêmes frustrations. Pourtant, certains passages à lacte marquent lhostilité affichée de leurs auteurs vis à vis de lislam, en ce sens quils visent de manière violente et sans méprise possible lislam comme religion et les signes visibles du processus dimplantation du fait musulman dans la société française : · Tracts anti-musulmans provenant de la mouvance dextrême droite · Tentatives dincendie visant des lieux de culte · Violences verbales ou physiques adressées à des personnes représentant lIslam. · Des personnes ayant été lobjet de propos explicitement anti-musulmans. Les personnes laissant percevoir la nature de leur confession religieuse sont particulièrement visées. · Des graffitis au contenu explicite ont été constatés Mais, même dans certaines de ces circonstances " explicites ", on ne peut écarter le fait quil peut sagir de racisme anti-maghrébin " classique " qui viendrait aujourdhui se manifester dans une forme anti-musulmane peut-être davantage tolérée dans la société française. Par ailleurs, peut-on affirmer que ce type dactes quon ne qualifiait pas à lépoque d" islamophobes "- nexistaient pas il y a par exemple 10 ans de cela ? Est-ce la multiplication de ces actes et leur éventuelle banalisation qui légitime lémergence de ce terme ? La Commission a écarté lutilisation du terme " islamophobie " dans son étude car ce terme prête à controverses. Elle a en effet jugé que cette notion ne pouvait être convenablement cernée et que le rejet de la religion musulmane restait fortement lié en France au racisme patent qui frappe les personnes dorigine maghrébine plus que les autres. Par ailleurs, la faible visibilité de la religion musulmane dans notre société et les freins éventuels qui sont mis à cette visibilité et à la pratique religieuse viennent sans doute renforcer cette intolérance. De fait, pendant longtemps, les obstacles rencontrés par les musulmans dans lédification de mosquées marquaient clairement un rejet de lislam chez les acteurs publics concernés (quil sagisse dun rejet " personnel " ou " par procuration ", celle des électeurs par exemple). Aujourdhui, si cette hostilité institutionnelle nest plus aussi nette, il semble que la religion musulmane ne bénéficie pas en France dune véritable égalité de traitement du point de vue de lexercice du culte et de lexpression religieuse.
II) Evaluer lhostilité de la société française à légard de lislam et des musulmans
Une évaluation difficile Combien dincidents anti-musulmans ? Quelle augmentation ? Toutes ces questions ne peuvent trouver de réponses précises faute dinstrument permettant de mesurer ces actes. En effet, le Ministère de lintérieur et les Renseignements Généraux nont pas établi de catégorisation spécifique qui permettrait de distinguer les actes visant lislam et les musulmans de la totalité des actes anti-maghrébins qui sont eux répertoriés. Peut-être faudrait-il envisager la création dune catégorie spécifique qui permettrait détablir plus précisément le nombre dactes anti-musulmans répertoriés et de constater les évolutions dans le temps de ces actes. Mais, nous lavons vu, la caractérisation de ces actes ne serait pas aisée. Dans les établissements scolaires, un logiciel de lEducation nationale est utilisé pour relever les faits de violences. La nouvelle version tient désormais compte du sexe des victimes et des auteurs, ce qui était demandé par de nombreuses associations. Mais, ce logiciel ne permet pas de cerner lensemble des actes relevant du racisme et de lantisémitisme. Ces outils permettraient pourtant dévaluer limportance de ces phénomènes en milieu scolaire et de noter déventuelles évolutions. De plus, contrairement aux actes antisémites qui sont rapportés et suivis par les organisations communautaires juives, les faits anti-musulmans ne sont pas encore systématiquement relevés par les associations musulmanes. Enfin, il faut souligner la distinction entre dune part, les actes commis quil sagisse de violences ou de propos- et dautre part, létat de lopinion publique dont on peut percevoir lévolution à travers les différents sondages réalisés. On ne peut donc induire des propos enflammés de telle ou telle figure médiatique une opinion publique, de même entre le préjugé et la violence, sintercale heureusement tout le fossé du passage à lacte, plus ou moins toléré par la société. Une hostilité à lislam galopante ? Opinion publique : une hostilité en diminution Il est difficile de démontrer le glissement que lopinion publique aurait effectué sur lislam. De fait, dans le sondage effectué à lautomne 2002 pour le Rapport 2003 de la CNCDH, les personnes interrogées considéraient à 74% que les Français musulmans étaient " des Français comme les autres ". Mais il est certain que le climat sest alourdi sur le thème de lIslam : les questionnements se multiplient sur la scène publique. On constate, il est vrai, que les clichés sur lislam sont largement répandus et que lislam est dans une certaine proportion assimilé à lislamisme. En effet, quand on demande à un échantillon représentatif de la population française quels sont les mots qui correspondent le mieux à lidée quils se font de lislam, on constate la prédominance des mots suivants : " fanatisme ", " soumission ", " rejet des valeurs occidentales ". Lislam a donc bien une image négative teintée de crainte et de peur dans lopinion publique française. Il est perçu majoritairement comme incompatible avec les valeurs de la République française. Pour autant, on ne peut certainement pas conclure au vu de lévolution des résultats des sondages consultés à un rejet avéré et croissant de la population française vis à vis de lislam. Au contraire, les associations didées entre lislam et la " soumission ", " le rejet des valeurs occidentales " et le " fanatisme " connaissent un recul net dans lopinion publique entre 1994 et 2001. Létude barométrique du sondage IFOP/Le Monde/Europe 1/Le Point de 2001 le démontre : on est passé de 67% à 47% sur le lien islam/" soumission " et de 67% à 50% sur le lien islam/" fanatisme ". Et, ce, alors quentre 1994 et 2001 ont eu lieu nombre dattaques terroristes revendiqués par les islamistes y compris sur le territoire français. De même, dans le cadre dun sondage réalisé quelques jours après les attentats du 11 septembre 2001, près de 55% des Français considéraient que " lislam est une religion tolérante qui doit faire face aujourdhui à des fanatiques minoritaires " contre 37% qui estimaient que cest " une religion globalement pas tolérante qui contribue à produire des fanatiques ". On est loin de la généralisation des préjugés attendus. On constate aussi une baisse franche de lopposition de la population française à lédification de mosquées en France : 38% y étaient opposés en 1989, 31% en 1994 et 22% en 2001. De même, " lélection dun maire dorigine musulmane dans la commune " dhabitation rencontre lhostilité de " seulement " 35% de la population française. Cette hostilité dépassait les 60% en 1989. On peut donc dire globalement que le rejet de lislam ne connaît pas de hausse brutale dans lopinion publique. Au contraire, on se dirige plutôt vers plus dacceptation envers les musulmans et le culte musulman. Certes, " Lopinion accepte un islam de voisinage, de la proximité, plus charnel quun islam abstrait, qui continue à inquiéter ". Et, il est vrai que les différences dopinion sur lislam sont importantes selon les régions et le type délecteurs concernés. On constate de fait que ce sont les électeurs qui marquent une préférence partisane pour lextrême droite qui ont systématiquement une opinion plus négative de lislam. Rappelons que cest ce même groupe qui, dans le cadre des sondages concernant le racisme, fait preuve de la plus grande intolérance à légard des immigrés et de leurs enfants. Ce sont les mêmes qui considèrent très majoritairement lislam comme une religion de fanatiques et qui montrent lhostilité la plus grande à lélection dun " maire dorigine musulmane ", ce qui nimplique ni ladhésion à la religion musulmane, ni la pratique religieuse mais bien un maire maghrébin. Et, cest bien la question des origines qui semble ici prévaloir. En terme géographique, nous verrons que les actes anti-musulmans sont répartis sur tout le territoire. Pour ce qui est de létat de lopinion publique, force est de constater que certaines régions se caractérisent par une hostilité à lislam plus marquée. Les communes rurales semblent poser sur les musulmans un regard sensiblement plus intolérant que les habitants de lagglomération parisienne. De même, lEst, le Sud Est et la Méditerranée se démarquent relativement des autres zones par un plus fort rejet anti-musulman. Ces régions ont toutes accordé des scores électoraux importants au Front National lors des dernières élections présidentielles. Certains événements peuvent, il est vrai, entraîner la crispation médiatique et médiatisée de certains. On a ainsi constaté, dans le cadre du débat portant sur ladhésion de la Turquie à lUnion européenne, que certains interlocuteurs justifiaient leurs réticences par le fait que la Turquie est un pays de civilisation et de population musulmane. La volonté affichée par certains de faire inscrire dans la future Constitution européenne une référence au christianisme a alimenté le débat sur la place de lislam en Europe. On a aussi pu noter une multiplication des ouvrages hostiles à lislam comme celui dOriana Fallaci, de Michel Houellebecq ou de Brigitte Bardot. Ces ouvrages polémiques ont remporté des succès en librairie malgré leur contenu contestable. Des plaintes ont été déposées pour incitation à la haine raciale et religieuse contre des auteurs avec des résultats variables. Mais, si ces personnalités jouent un rôle dans la légitimation des pires clichés, elles ne sauraient incarner lopinion publique française. Pour une analyse détaillée de limage de lislam dans lopinion publique et de ces évolutions, se reporter à lanalyse de Mme Nonna Mayer contenue dans ce même rapport de la CNCDH. Des violences visant les musulmans de France Il est difficile dévaluer les manifestations concrètes de cette hostilité à lislam. Nous lavons dit, nous navons pas dinstruments fiables qui nous permettent de lister le nombre dactes. Cest évidemment très problématique quand on souhaite étudier les évolutions de ces manifestations. On peut par contre tenter de jauger la situation française en la confrontant à celles dautres pays. LObservatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (réseau Raxen) avait lancé une étude aux lendemains des attentats du 11 septembre 2001 portant sur les 15 pays de lUnion. Il conclue que " dans tous les pays, une islamophobie latente a mis à profit les circonstances présentes pour émerger, se concrétisant sous la forme dactes dagression physique et dinsultes racistes ". De son côté, la CNCDH, dans son rapport 2001, relevait que " lactualité influe également sur la nature des cibles choisies. En effet, si les Maghrébins et les " beurs " issus de limmigration étaient jusquà présent plus particulièrement visés, ces violences se sont souvent élargies aux communautés arabo-musulmanes ". Pourtant, comparativement aux Etats-Unis ou à lAngleterre, la France na connu que de faibles réactions anti-musulmanes suite au 11 septembre 2001. Par ailleurs, les média ont su traiter de cet événement avec un relatif doigté et une certaine retenue. Il sagit plutôt dune crise de confiance globale qui jette la suspicion sur les musulmans. Les mesures anti-terroristes adoptées, légitimes devant la menace, ont eu pour certains des effets secondaires pervers en renforçant la suspicion à légard des musulmans. On demande ainsi aux musulmans de se justifier continuellement, de démontrer leurs distances vis à vis des islamistes, des terroristes. Cela paraît créer un terrain propice à laugmentation des discriminations au quotidien. Les discriminations fondées sur lappartenance réelle ou supposée à la religion musulmane semblent en effet avoir augmenté, surtout dans le domaine de lemploi. Aux lendemains du 11 septembre 2001, de nombreux salariés franco-maghrébins se sont ainsi vus changés de postes (de laccueil à la surveillance dentrepôt par exemple), licenciés notamment dans les domaines de la sécurité et des aéroports. Pour autant, dans un sondage de 2001, seulement 30% des personnes dorigine musulmane et 19% de la population française avait constaté " une modification des attitudes à légard des musulmans de France depuis les attentats survenus aux Etats-Unis ". Parmi ceux qui avaient constaté des modifications, 43% personnes dorigine musulmane pointaient effectivement " un sentiment raciste et discriminatoire plus présent " et 37% notaient " des comportements méfiants, suspicieux ". Et, près de 60% de la population dorigine musulmane se disait inquiète pour lavenir de " laugmentation du racisme en France à légard des Musulmans ". Par ailleurs, des incidents anti-musulmans ont pu être distingués dans la liste des actes anti-maghrébins fournie par les RG pour 2001 et 2002. Nous pouvons souligner, avant daborder les actes concernant la métropole, que la Corse se distingue comme la région qui compte le plus dactes de violences contre la population dorigine maghrébine. En 2001-2002, les violences et menaces racistes ayant pesé sur les Maghrébins ont augmenté, comme en écho à lactualité internationale du 11 septembre et du Moyen-Orient. Mais on est loin des chiffres constatés dans les années 1991-95 qui correspondent au plus fort de la crise algérienne et des attentats du GIA en France. Le niveau sest élevé comparativement à la période " calme " de 95-99 mais, comme le souligne le Rapport 2001 de la CNCDH, " la France na pas connu [ ] de vague dagressions contre les lieux de culte musulmans, des organisations ou des personnes, telle quenregistrée par lObservatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes dans plusieurs Etats membres ". Les violences les plus graves émanent pour la plupart de militants dextrême droite, à limage des cocktails Molotov projetés contre les mosquées de Méricourt (62) et de Chalons (51) les 25 et 27 avril 2002. Dautres incidents clairement anti-musulmans ont été repérés cette même année : cocktail Molotov sur le toit de la mosquée dEscaudin (69) le 24 mars, lettre piégée destinée à une association hébergée dans les locaux de la mosquée à Perpignan le 9 avril, profanation de la sépulture dun jeune musulman à Lyon le 24 avril, tentative dincendie dun lieu de culte à Rillieux le Pape (69) le 27 décembre Alors que dans les années 80, les racistes visaient les immigrés à travers des attaques de foyers SONACOTRA, il semble avoir changé de cibles privilégiées. Des tracts, anonymes ou présentés comme émanant de la communauté musulmane, incitant à la haine et à la violence ont été rédigés et distribués par lextrême droite. Ils associent délinquance et immigration et présentent lislam comme une religion sanguinaire. Ces tracts ont été surtout repérés pendant la campagne présidentielle de 2002. Pour 2003, dans lattente des chiffres du Ministère de lIntérieur, on a pu relever dans la presse des incidents anti-musulmans importants. Ils sont dispersés sur tout le territoire et resteraient relativement rares : profanation de tombes musulmanes au cimetière militaire dans le Haut-Rhin le 7 juillet 2003 Incendie dun lieu de culte musulman à Nancy en mars 2003 Profanation dun carré musulman, dans la Meuse en mars 2003 Mais, il est évident que les actes rapportés par le Ministère de lIntérieur et la presse sont bien en deçà du chiffre réel, notamment en ce qui concerne les injures ou menaces verbales et les violences légères. La CNCDH a systématiquement relevé dans ses rapports ce phénomène de sous-évaluation pour toutes les formes de racisme. Pour le MRAP, ce racisme qui pèse sur les maghrébins et les musulmans est sous-estimé. Il dénonce la mollesse des institutions, des associations et des intellectuels sur la prise en compte de la réalité du phénomène. Même sil est impossible de noter une évolution statistique des faits, faute dinstrument, il semble que les violences visant les musulmans et leurs lieux de culte aient augmenté dans les faits, sinon la conscience de cette violence et de cette hostilité. Comme nous lavons déjà dit, le Premier ministre lui-même a dénoncé laugmentation du phénomène en sengageant à le combattre fermement. La Commission européenne allait dans le même sens en organisant en février dernier une " table ronde sur lislamophobie " en partenariat avec Raxen.
Des sites anti-musulmans sur Internet Lenquête du MRAP " Racisme anti-musulman : du virtuel au réel " démontre que les sites dits anti-musulmans se multiplient sur la toile avec une certaine convergence des nébuleuses néo-nazies, des catholiques extrémistes ou de lextrême droite pro-Sharon. La guerre en Irak a fracturé cette unité mais de nouveaux sites ont depuis été créés. Le forum SOS-Racaille, récemment anéanti, est à ce titre exemplaire : entre 2001 et mars 2003, des dizaines de milliers dinternautes ont échangé sur le thème de la hantise dune invasion musulmane et appelé à la violence contre les musulmans de France. La plupart de ces sites sont hébergées aux Etats-Unis où ils bénéficient dune liberté dexpression illimitée. Le portail américain libertyweb.net a même encouragé lhébergement de sites anti-musulmans. Le MRAP a ainsi pu repérer que des jets de peintures contre 6 mosquées avaient été revendiqués par les " comités Canal Résistance " sur sos-racaille.org. Deux mosquées ont été effectivement touchées selon le Ministère de lIntérieur. Ces sites anti-musulmans sont heureusement peu fréquentés et peu connus du grand public. Néanmoins, Internet apparaît encore une fois comme un outil incontrôlable de propagation didées dangereuses, haineuses et violentes qui permet de contourner les obstacles légaux et les interdits fixés par la loi. Plus généralement, Internet est aujourdhui un vecteur particulièrement dynamique pour les racistes de tout poil, les révisionnistes et les groupes néo-nazis.
III) Difficultés à exercer leurs Liberté religieuse et Liberté dexpression religieuse pour les musulmans Le rapport hostilité à lislam/ visibilité religieuse Le degré dacceptation dune religion se lit aussi au regard de sa normalisation pour lopinion publique. Normaliser le fait religieux musulman, cest participer à lever des doutes, des ignorances, des méconnaissances, des préjugés qui pèsent aujourdhui sur la religion et la pratique musulmane. La reconnaissance éventuelle de lislam découle assez naturellement du degré de visibilité quon lui accorde, de la possibilité pour les pratiquants de vivre leur culte sans suspicion et dans des conditions normales à limage des autres religions. Les hésitations, voire les blocages, des pouvoirs publics en matière dédification des mosquées par exemple participent de cette hostilité vis à vis de lislam et encourage la stigmatisation. On a ainsi pu voir des maires exercer abusivement de leur droit de préemption pour éviter la construction dun lieu de culte musulman. Dans les années 80, lhostilité des autorités atteignait son paroxysme que lon songe à la destruction dune salle de prière au bulldozer intervenue en 1989 à Charvieu-Chavagneux ou aux référendums organisés en 1991 par certaines villes sur le projet de construction dune mosquée dans une ambiance contestable. Certaines autorités sont encore capables de dérapages verbaux, tel le Maire de Nice, Jacques Peyrat, qui écrit que " les mosquées ne peuvent se concevoir dans une République laïque ". On notera aussi la condamnation en première instance du comportement discriminatoire dun Maire qui donnait des consignes pour réserver le samedi à la célébration des mariages " chrétiens " et pour placer les mariages musulmans à dautres moments. Mais aujourdhui, ce type dattitudes parait heureusement plus rare, les pouvoirs publics semblent avoir compris quil fallait au contraire traiter les musulmans en toute égalité et ont depuis établi un dialogue avec les responsables du culte musulman locaux. Il ne sagit pas là de faire droit à des revendications religieuses qui seraient incompatibles avec les lois de la République et notamment les autres libertés publiques. La liberté religieuse est en loccurrence inscrite à lart 1er de la loi de 1905 instaurant la laïcité. La Cour de Strasbourg, qui protège le droit à la liberté de religion et le droit de manifester sa religion, inscrits dans larticle 9 de la Convention Européenne des Droits de lHomme (CEDH), a rendu plusieurs arrêts concernant lislam. Elle a néanmoins admis dans certains cas, conformément au §2 de larticle 9 de la CEDH, certaines ingérences ou restrictions à la liberté de manifester sa religion quand ces ingérences ou restrictions sont prévues par la loi et nécessaire à la sécurité publique, à la protection de lordre, de la santé, de la moralité et des droits et libertés dautrui. Réticence de lopinion publique ? Dans le Rapport de la CNCDH de 1992, les personnes interrogées estimaient à 47% quil y avait suffisamment de mosquées en France pour les musulmans pratiquants (27% estimaient quil y en avait " trop "). Dans le même temps, elles étaient 50% à trouver " normal " que soient construites des mosquées pour permettre aux musulmans de France de pratiquer leur religion (seulement 42% en 91). Mais toujours en 1992, quand on demande aux sondés sils seraient favorables ou non à la construction dune mosquée " dans leur quartier ", ils sy montraient opposés à plus de 50%. En 1995, le rapport de la CNCDH indiquait que 56% des personnes interrogées se disaient plutôt opposées " à la constitution dun Islam de France comme composante à part entière, de la société française, au même titre que les autres grandes religions ". Il faut noter que cette année était marquée par des chiffres très importants de violences racistes, correspondant à lactualité difficile de la guerre civile algérienne. Une question similaire a été posée en 99, 2000 et 2002 dans le cadre du sondage annuel de la CNCDH : " Faut-il faciliter lexercice du culte musulman en France ? ". Ils sont seulement 27% à se dire " plutôt ou tout à fait daccord " en 99 et 2000, mais 41% en 2002. Ces chiffres montrent que la réticence diminue et les attentats du 11 septembre 2001 ne semblent pas avoir interrompu ce mouvement. Au contraire, il semble que lopinion publique comprenne davantage la nécessité de normaliser, dassurer une visibilité à lislam dans notre société. De fait, alors que le sondage Ipsos/Le Figaro de mai 2000 donnait 50% de la population " plutôt opposé(e) " à " la construction de mosquées dans les grandes villes françaises " contre 43% " plutôt favorable ", le rapport sest inversé en mai 2002 dans le sondage Ipsos/LCI/Le Point. Il semble donc que la logique internationale naffecte pas en France la dynamique de reconnaissance de lislam comme fait social. Du côté de la population dite dorigine musulmane, la perception de lislam dans la société est double. Ils semblent être davantage sensibles au problème de lexercice des pratiques religieuses puisque ils sont 82% à estimer qu " on doit pouvoir vivre en France en respectant toutes les prescriptions de lislam " alors quils nétaient que 71% en 1989. En même temps, ils ne perçoivent pas que leur intégration à la société française soit subordonnée à labandon de la religion musulmane. Lexigence dassimilation nest donc pas perçue. Assurer légalité de traitement entre les religions De nombreux universitaires et intellectuels préconisent ainsi de faire droit à certaines demandes : Congés exceptionnels pour les fêtes religieuses Carrés musulmans non clos dans les cimetières (aménagement possible sur autorisation du maire) Multiplication des lieux dabattage rituel Repas sans porc alternatif dans les cantines Aumônerie dans les hôpitaux, les prisons et larmée Le fait que la quasi-totalité des associations religieuses musulmanes relèvent de la loi du 1er juillet 1901 et non de la loi de 1905, ce qui ne leur permet pas de bénéficier des mêmes avantages (exonération de la taxe dhabitation et taxe foncière pour les locaux, réceptions des dons et legs exonérées de taxe, possibilité de faire bénéficier dexonérations fiscales les personnes consentant à des dons manuels) que les associations cultuelles pose problème. De fait, ces associations religieuses musulmanes pourraient bénéficier des avantages prévus par la loi de 1905 et le statut dassociation cultuelle mais, dans la pratique, pour des raisons historiques et parce que la plupart dentre elles ne séparent pas leur fonction cultuelle de leurs activités sociales et culturelles, elles ny ont pas accès. Il faudrait donc que les Préfets, qui sont compétents pour ouvrir aux associations cultuelles les avantages prévus par la loi de 1905, informent systématiquement les responsables de ces associations de cette possibilité et les incitent à séparer le cultuel du socioculturel, condition indispensable pour bénéficier de la loi de 1905. Sur toutes ces questions de pratiques religieuses, ce qui fait problème, ce nest pas tant le conflit avec la laïcité que le manque de dynamisme et le retard pris par les pouvoirs publics pour assurer légalité de traitement entre toutes les religions. Il faut souligner que labsence de clergé musulman rend problématique la question de la représentativité et labsence dinterlocuteur ne facilite pas le règlement de toutes les questions ci-dessus abordées. De ce point de vue, la création des conseils du culte musulman à léchelle nationale comme régionale pourrait constituer une réponse. En outre, il faut noter les récents efforts des autorités publiques pour reconnaître pleinement lislam français. Le fait est quen à peine plus dun an, le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de lIntérieur et des Cultes se sont chacun rendus à la Grande Mosquée de Paris. Il sagit de visites chargées de symboles. Lors de sa visite, J-P Raffarin a dailleurs insisté sur la nécessité daméliorer la liberté dexercice du culte musulman notamment dans les domaines dédification des mosquées, de formation des imams et de linhumation.
IV) Causes et vecteurs de lhostilité à lislam Des origines historiques ? Le rejet de lislam et les clichés circulant sur les musulmans ont des origines très anciennes. Certains remontent au clivage fondé au Moyen-Âge entre deux grands ensemble, Orient et Occident, qui ont chacun leur manière darticuler fidélité religieuse et allégeance politique. " LEurope occidentale a évolué, dès le début de la christianisation et la fin de lEmpire romain dOccident, vers la tendance à assimiler communauté politique et spirituelle ", ce principe fut en partie à lorigine de linquisition, des conversions forcées, des guerres de religions et notamment des croisades. Avec la colonisation de la grande majorité des pays musulmans, certains ont considéré lislam comme une religion de fatalisme et de passivité, par essence fermée au progrès, source des retards scientifiques, économiques et techniques de ces pays. Il fallait donc apporter aux musulmans " les lumières de la civilisation " en échange dune main duvre peu chère et corvéable à merci. Le statut dindigène permettait de garder la culture particulière mais les excluait de luniversel, de la citoyenneté. Ces indigènes étaient par ailleurs gérés par des " représentants " désignés par ladministration française. La décolonisation, particulièrement difficile au Maghreb, a nourri un ressentiment profond à légard des musulmans qui auraient injustement chassé des Européens qui jugeaient avoir " beaucoup apporté " à ces pays. La guerre dAlgérie, épisode historique encore mal assumé, cristallise encore aujourdhui de fortes tensions et rancoeurs. Elle a ouvert une plaie profonde dans lidentité nationale française, avivée par la sédentarisation dans lhexagone danciens colonisés. Lexploitation des immigrés les indigènes dhier, que lon a fait venir pour leur force de travail, a alimenté une condescendance et un racisme anti-immigré. Contrairement aux ouvriers italiens, espagnols ou polonais, les ouvriers maghrébins nont pu mener de combat commun victorieux dans un front ouvrier unifié. " Limmigration coloniale na pas assimilé les éléments de la culture ouvrière militante comme lont fait les immigrations européennes et, dans la classe ouvrière française, lanticolonialisme na certes pas été lattitude dominante. ". Les syndicats se sont il est vrai peu mobilisés au départ contre lexploitation de ces " chairs à usine " naviguant entre internationalisme et protectionnisme et confrontés, dès la fin des années 70, à la crise économique et à la hausse du chômage. Mais contrairement à hier, les musulmans vivent désormais au cur des pays occidentaux. Ils ne sont plus de " là-bas " mais bien d " ici ". Et certains chercheurs désapprouvent lidée que cette " haine contre les musulmans sinscrirait dans une tradition séculaire remontant aux croisades ". Ils identifient " lislamophobie " comme un fait social fondamentalement contemporain. Méconnaissance de lislam Lignorance est un grand facteur de rejet, de violence : ce quon ne connaît pas est souvent perçu comme une menace. La société française ne sait rien ou si peu de la religion musulmane comme des musulmans. Dans ce cadre, les constructions imaginaires ont dautant plus de facilité à se développer quelles ne viennent pas buter contre la réalité. Cest selon lhistorien Mohammed Arkoun, " une situation qui nourrit les chocs des ignorances institutionnalisées et non par des cultures et des civilisations comme on se plait à le répéter ". Lislam est perçu comme un tout monolithique, immuable dans le temps et statique dans lespace. On ignore ainsi les controverses qui ont animé lislam sur toutes les grandes questions religieuses (nature de la foi, libre-arbitre, sort de lincroyant, laïcité, accord du Coran avec la philosophie moderne, littéralisme ) comme si lorthodoxie affichée et imposée dans les Etats islamiques actuels les avaient effacées. Lislam est ainsi souvent considéré comme une religion intrinsèquement intolérante au mépris des expériences historiques. De même, on dénie à tort à lislam tout apport créateur dans les Sciences, les Arts en le considérant comme hostile à la raison et à lesprit critique. On reproche aussi à lislam un certain nombre de coutumes comme lexcision ou la polygamie qui sont des pratiques qui se rapportent davantage à des traditions dépassant largement le strict cadre religieux de lislam. Lislam est globalement présenté comme une réalité figée et ses adversaires se construisent un islam type nourri de tous les éléments négatifs et souvent marginaux que lon peut rencontrer parfois dans lislam. Cest ainsi que Ben Laden et son organisation Al Qaïda sont venus incarner une religion sans visage et que la singularité de chaque musulman a été niée au profit dune vision compacte. Par ailleurs, la ghettoïsation des quartiers difficiles ne participe pas à rendre visible lislam tel quil se pratique très majoritairement parmi les musulmans de France. Cest à dire un islam qui se pratique en privé, dans le cadre familial (il ny a en effet pas de fréquentation massive des moquées par les musulmans de France). Ce sont en loccurrence les parents qui sont les principaux acteurs de léducation religieuse de leurs enfants. Mais, il est intéressant de noter que le christianisme na pas forcément une image très positive en France : 43% des Français ne pensent pas quil " favorise lépanouissement personnel " et à la question " diriez-vous que le christianisme est adapté au monde moderne ", ils sont 61% à répondre par la négative. Sans doute, peut-on supposer que la sécularisation qui affecte la France a entraîné une mise à distance générale de la religiosité. Contexte international Ce contexte international a nourri limaginaire collectif et les représentations fantasmagoriques sur lislam. Cest ce contexte qui aurait permis de relancer le rejet de lislam en Europe même si les Français se défendent très majoritairement davoir changé leur vision de lislam depuis les attentats du 11 septembre 2001. Le débat contemporain sur limmigration maghrébine et son intégration a souvent été amplifié par la vision internationale de lislam. Dès 1973, la crise économique résultait de la volonté des pays de lOPEP et non de lépuisement dun ordre économique mondial datant de la fin de la 2è guerre mondiale ou de la destruction du système monétaire international. Même si " cette explication idéologique de la crise visait avant larabisme et le tiers-mondisme, lislam, religion dominante dans la plupart des exportateurs de pétrole commençait à devenir un facteur explicatif de lévolution du monde musulman et de ses relations avec la France et les pays occidentaux ". Limage de lIslam renvoyée par certains événements internationaux a par la suite rarement été positive: révolution iranienne, Fatwa sur Salman Rushdie, attaques des islamistes algériens, attentats du GIA, dérive de Khaled Kelkhal Récemment, lactualité a même été particulièrement abondante en la matière : régime taliban, attentats du Hamas et du Hezbollah, 11 septembre 2001, attentats répétés par des organisations islamistes notamment au Pakistan, en Indonésie ou en Turquie, situation confuse en Irak Pour certains, lislam serait ainsi devenu lennemi commun de certaines démocraties qui cherchent à remplacer lUnion soviétique et ses alliés par linstauration dun nouvel " axe du mal ". La mobilisation du courant fondamentaliste au sein de lislam a été constatée. Lislamisme sest doté dun visage en la personne de Ben Laden et dun discours anti-occidental marqué. Le fait quon ait trouvé parmi les islamistes des franco-maghrébins, pour certains emprisonnées à Guantanamo, na pas rassuré lopinion publique. Et, en France, la peur dune " 5è colonne ", de réseaux dormants, sest étendue au point quà chaque conflit opposant loccident à un pays musulman, on sinterroge sur les éventuelles réactions de la communauté musulmane de France, comme si celle-ci était monolithique et peu attachée à la France, transformant chaque musulman en traître en puissance, en ennemi de lintérieur. Le renforcement des lois et dispositifs de lutte contre le terrorisme a pu alimenter ce type de raisonnement. Les attentats du 11 septembre 2001 semblent donc avoir donné un certain fondement aux discriminations touchant les maghrébins en renforçant lamalgame musulman/islamiste/terroriste. Au-delà, les déclarations de certains dirigeants de pays islamiques sont loin de donner à lislam limage dune religion tolérante, ouverte et respectueuse des autres religions. Au contraire, elles viennent renforcer en France les préjugés sur les Français musulmans. A cet égard, les propos haineux de lex-Premier ministre malaisien Mohamad Mahathir qui appelait récemment à la lutte contre " les juifs qui dirigent le monde par procuration " lors de la dernière réunion de lOrganisation de la conférence islamique (OCI) du 16 octobre 2003 ont provoqué un tollé légitimement considérable. Mais, la passivité des représentants de pays musulmans présents dans la salle, voire lapprobation tacite de certains, na pas permis disoler ces propos antisémites qui viennent mettre de lhuile sur le feu du " choc des civilisations " que certains nous annoncent. Infériorisation et soumission des femmes La religion musulmane est souvent abordée à travers le prisme de la place et du statut quelle réserve aux femmes. En loccurrence, à travers des faits dactualité internationale et nationale, le sort qui est réservé aux femmes dans le monde musulman semble particulièrement dégradé malgré les progrès de certains pays. Là, on est invité à signer une pétition pour éviter la lapidation dune femme soupçonnée dadultère au Nigéria. Là, on découvre un reportage sur les femmes tapies sous la burka que leur imposent les Talibans. Là, on entend le témoignage dune victime de crime dhonneur. Ici, on nous parle de mariages forcés ou de lexcision qui subsistent en France. Les récentes violences subies par des femmes dorigine maghrébine dans leur quartier et relayées par les médias (que lon pense à lodieux assassinat de Sohane à Vitry sur Seine en octobre 2002) ont largement choqué lopinion publique française. Depuis, des études ont été publiées autour des discriminations et des violences rencontrées par les femmes dorigine immigrées. De fait, dans une France où les mouvements féministes ont installé lidée dégalité entre femmes et hommes, ces manifestations graves doppression choquent et semblent traduire une idéologie réactionnaire et antinomique avec les valeurs et la réalité françaises. En même temps, il est parfois difficile de démêler ce qui tient de la tradition culturelle de lobligation religieuse. Stigmatisation et amalgame médiatique Il est difficile dévaluer précisément linfluence des médias sur telle ou telle représentation. Mais, limportante couverture médiatique sur lIslam laisse à penser que cette influence nest pas nulle dans la construction des représentations. Les médias ont largement tendance à expliquer la violence de certains musulmans et le terrorisme islamiste par la seule causalité idéologique qui serait la religion musulmane. Les causes sociales ou économiques restent rarement abordées, tout comme le déficit démocratique alors que lensemble de ces éléments constitue un terreau favorable au développement dun islamisme nihiliste. Si les médias se sont montrés plutôt subtils dans leur traitement du 11 septembre 2001 et de ses conséquences, prenant soin de distinguer lensemble des musulmans des groupuscules islamistes terroristes, ils auraient depuis largement participé à la peur et à lamalgame. Les recherches de Bruno Etienne, Directeur de lObservatoire du religieux sur Aix en Provence le démontrent. En effet, nombre de " unes " de magazines ou de journaux concernant lislam (et non les terroristes ou lislamisme) étaient constituées dimages choc alarmantes (foules en délire priant comme un seul homme, femmes voilées en noir des pieds à la tête, barbus menaçants et armés ). Les titres et commentaires démagogiques au ton paranoïaque viennent attester les fantasmes du complot, de la conspiration souterraine et de la peur ; et, lislam est présenté par essence comme incompatible avec la République et ses valeurs accréditant par là la thèse des guerres des civilisations. Pour exemple, Il faut rappeler le traitement qua réservé la presse au début de lannée 2003 à laffaire du prétendu terroriste de Roissy qui sest finalement révélée nêtre quun complot monté contre le jeune Abderezzack Besseguir par sa belle famille. La presse navait jamais accordé la moindre crédibilité à cette thèse avancée par laccusé et sétait immédiatement engouffrée dans la version terroriste. De fait, la réalité venait coller aux fantasmes : un jeune franco-maghrébin en apparence intégré et " modéré " pouvait se révéler à tout moment un dangereux terroriste. Le message sétait imposé : il fallait se méfier de tous. Par ailleurs, certains intellectuels ont largement véhiculé, notamment par le bais des médias, une conception globalement négative de lislam faisant peser une menace immédiate sur les valeurs occidentales. Sans le vouloir sans doute, ils justifient les actes de rejet violent des musulmans. Sur les plateaux de télévision, dans les débats concernant lislam, les intellectuels spécialistes de la question ou les représentants religieux correspondant à la pratique majoritaire de lIslam en France sont rarement invités. On préfère les personnalités marginales et caricaturales : des imams connus pour leur fanatisme ou des sportifs musulmans qui nont la capacité de répondre ni aux invectives ni aux questions dogmatiques Bref, on a rarement loccasion de voir dans les médias des musulmans dans leur quotidien, dans leur grande banalité. (Ré)islamisation qui inquiète Le repli identitaire semble progresser dans la société française et avec lui, le communautarisme. Ce repli, qui ne se limite pas à la société française, est le fruit de la mondialisation néo-libérale, dune intégration européenne mal acceptée-qui semble parfois apporter moins quelle ne menace- et de la fin des idéaux et des regroupements dhier. Cette crise politique de lEtat-nation accompagnée de la crise économique a provoqué une perte de repère à laquelle " les anciennes colonnes vertébrales pour proposer une compréhension du monde " nont su répondre. Cela sest traduit par la dilution du sens collectif, un besoin de retrouver du lien mais aussi par la recherche de boucs émissaires et de solutions simples dans un monde perçu comme de plus en plus complexe. Cette crise identitaire qui sest manifesté le 21 avril 2002- participerait de la montée de lextrême droite comme de lislamisation des jeunes franco-maghrébins qui se sentent trahis par les promesses non tenues de luniversalisme républicain qui les a laissés sur le bord du chemin nayant pas su ou voulu lutter contre les discriminations de tous ordres qui les frappent. Au " Tu nes pas de chez nous " répondrait ainsi le " Restons entre nous ". Et ce à un moment où le monde musulman, de la Palestine à lIrak, vit des heures pour le moins difficiles. La référence religieuse devient plus visible dans les quartiers populaires. Cela correspond à un mouvement dethnicisation de toute la société. Ainsi, de nombreux jeunes jurent dorénavant " sur le coran " et " sur la Mecque ". Des musulmans privilégient la particularité religieuse de leur identité à leur particularité " ethnique " (origine marocaine, algérienne, maghrébine ). Il est vrai que la communauté musulmane (lOumma) est plus large et transnationale. Cette islamisation constitue à la fois un mouvement naturel de retour aux sources -observé un peu partout- de la 2è génération déracinée mais aussi la conséquence de la ségrégation, de lexclusion économique et sociale et des discriminations quils vivent au quotidien. Les " grands frères " réclamaient légalité des droits à travers la Marche des Beurs de 1983, leurs jeunes frères et surs sy attendent tout simplement. La déception et lamertume sont donc dautant plus fortes. A force de se sentir stigmatisés, rejetés, humiliés, ils adoptent cette contre-identité pour résister à un écrasement social perçu comme volontaire et cherchent des solutions dans les textes religieux. La religion devient un lien de reconnaissance, un manteau contre les agressions extérieures. Luniversel abstrait perd de fait de sa crédibilité, il est même rejeté pour avoir légitimé leur exclusion. Ce phénomène sobserve également chez nos voisins Turcs résidents en Allemagne. La promesse dintégration na pas été tenue. A cet égard, la trajectoire dun Khaled Kelkal, jeune de la banlieue lyonnaise devenu délinquant puis recruté par le GIA pour les attentats terroristes de 1995 et finalement abattu par le GIGN le 29 septembre 1995, est symptomatique des pires dérives susceptibles de se produire et sert ainsi de repoussoir. Pour Bruno Etienne, chercheur, cest " la rupture de cohérence entre un présent qui nest maîtrisé par personne et larrachement aux traditions par la mobilité sociale et géographique qui renvoie à une origine recomposée, mythique, imaginaire, à laquelle certains se raccrochent désespérément dans une sorte de réaction révolutionnaire, plutôt que daller de lavant vers un non-futur, ils préfèrent faire demi-tour et revenir à la religion de leur père ". Dans ce contexte de très forte sensibilité au prisme religieux, chaque dénonciation, chaque critique vient corroborer le sentiment de violence contre une identité dévalorisée. Par ailleurs, comme durant les années 80 et 90, on a nié la réalité de lislam en France, on a laissé se développer " lislam des caves ", sur un terreau particulièrement favorable au développement du fondamentalisme. Les associations religieuses musulmanes qui se sont multipliées soccupent de tout dans les quartiers défavorisés y compris de soutien scolaire soulignant ainsi les carences de la République. Et les mouvements islamistes jouent justement sur ces failles, sur les frustrations pour recruter. Au-delà des quartiers populaires, les Français dorigine maghrébine sont un certain nombre à se tourner vers la religion pour chercher du sens dans une société perçue comme manquant de projet collectif, despérance et où la réussite individuelle se jauge à la capacité de consommation et aux signes extérieurs de richesse. Lopinion publique a pris conscience de ce retour du religieux dans la population franco-maghrébine, la multiplication du nombre de jeunes femmes voilées nest pas passée inaperçue dans les transports publics ou dans la rue. Les sondages attestent de la recrudescence des pratiques religieuses comme le jeûne du ramadan avec un taux relativement important chez les 16-24 ans. Mais, pour Vincent Geisser, chercheur, " ces affirmations ne renvoient pas à des pratiques réelles. [ ] Les jeunes sont soucieux de donner une image publique de bons citoyens français et de bons musulmans " car " on est musulman par le regard de lautre. Or ce regard est islamisé ". Mais on ne constate pas laugmentation de toutes les pratiques religieuses : pour exemple, la prière quotidienne semble en recul et la non-consommation dalcool stagne. De lensemble des prescriptions du Coran, le ramadan, est la plus massivement suivie. Pour V. Geisser " le ramadan pour les musulmans, cest un peu comme Yom kippour pour les juifs. Cest le seul moment de lannée où tous les membres dune même famille vont se réunir, quelque soit leur rapport à la religiosité, et se retrouver pour manger ensemble [ ]. Cest un moment de célébration de la mémoire, de lunité familiale, dune certaine domesticité de la tradition ". Cest aussi sur la base de cette islamisation, qui reste pourtant souvent compatible avec nos règles et valeurs républicaines, que la peur grandit dans lopinion publique. Elle grandit dautant plus que les quartiers populaires, dans lesquels vit une partie importante de la population musulmane, sont déjà largement stigmatisés pour la violence, la délinquance et léconomie souterraine qui sy développe. Le jeune des quartiers, souvent dorigine maghrébine, se voyait déjà renvoyer limage dun délinquant en puissance, il devient aussi terroriste potentiel. Pourtant, si certains franco-maghrébins trouvent refuge dans une interprétation rigoriste de la religion musulmane, la plupart des jeunes issus de limmigration ont aujourdhui des pratiques sociales similaires à lensemble des Français. Cest aussi paradoxalement cette atténuation de la différence objective qui fait augmenter lanxiété de la société daccueil. Car si une minorité de jeunes franco-maghrébins peut être séduite pas les discours islamistes ou intégristes, les générations issues de limmigration vivent plutôt dans " une indifférence religieuse égale à celle des autres Français du même âge ". De fait, les sondages montrent une stabilisation en la matière : alors que 37% des personnes dorigine musulmane interrogées se déclaraient " musulman croyant et pratiquant " en 1989, ils sont 36% en 2001.
V) Comment lutter contre cette hostilité à lislam ? Rappelons en préambule que le rejet de lislam ne concerne pas seulement les maghrébins : population musulmane et population maghrébine ne se recoupent pas. Pourtant, comme nous lavons vu précédemment, cette hostilité apparaît bien souvent comme une forme renouvelée, et malheureusement sans doute davantage acceptée par la société, du racisme visant les populations dorigine maghrébine. Soutenir les victimes dactes anti-musulmans et de racisme Nous avons vu que le critère religieux simpose de plus en plus dans la définition de lAltérité et que le rejet de lislam est surtout un prolongement, un renouvellement du racisme anti-maghrébin classique. Il est souvent difficile de démêler les motivations de lauteur dun acte raciste. A ce jour, la législation française condamne clairement la diffamation, les injures comme la provocation à la haine ou à la violence ainsi que les discriminations quelles soient basées sur un critère ethnique ou religieux. Précisons que ne constitue pas une diffamation à raison de lappartenance ou de la non-appartenance à une religion déterminée les propos tenus publiquement qui visent non la croyance commune unissant les membres de lassociation cultuelle mais le mode de fonctionnement du groupe dont les individus font parties. De même, les juges ont estimé que la religion catholique nétait pas mise en cause en tant que telle quand un texte vise un groupe de personnes, parfois désignées comme " intégristes ", et qui soutiennent des positions extrêmes, souvent éloignées des thèses officielles de lEglise catholique française. Des organismes publics daide aux victimes de racisme et de discrimination existent pour faciliter laccès au droit, conseiller les victimes et les soutenir : Codac (qui fonctionnent de manière inégale, voire pas du tout), Maisons de justice et du droit, permanences juridiques Les policiers, en première ligne pour recevoir les plaintes, pourraient être mieux formés autour des délits touchant au racisme et à lantisémitisme. La question des discriminations est dorénavant abordée dans le cadre de la formation initiale des futurs policiers mais les formations qui sadressent aux forces de lordre en activité sont encore trop rares. Il en est de même pour les magistrats dont les enquêtes sont encore trop rares et qui sont encore trop réticents à admettre certains modes de preuve, tels que les testings organisés notamment par SOS Racisme. Quant aux sanctions que reçoivent les auteurs condamnés pour des contraventions ou des délits relevant du racisme, elles sont encore trop légères, bien loin des plafonds fixés par le Code pénal et donc peu dissuasives. Par ailleurs, lautorité indépendante de lutte contre les discriminations, à compétence universelle, devrait voir le jour fin 2004. Elle devra soutenir les plaintes individuelles. La discrimination religieuse fera partie de ses attributions. Mais, la question de moyens qui lui seront attribués (budget et personnel) est primordiale dans lappréciation de lefficacité du futur dispositif et donc de leffectivité des droits reconnus aux victimes à travers les compétences et le rôle de lorganisme. Au-delà, le secteur associatif reçoit et traite des plaintes relevant de la loi de 1881 ou des discriminations. Il participe aussi à travers des initiatives spécifiques ou des activités régulières à renforcer le lien social dans les quartiers, le dialogue interculturel. A ce titre, la réduction importante du budget du FASILD, qui est justement lun des principaux organismes de financement des actions associatives, est pour le moins contre-productive sur le terrain de la lutte antiraciste, voire contradictoire avec les objectifs annoncés par les autorités publiques selon nombre dassociations. Mais sans doute, lhostilité à lislam est-elle encore peu reconnue et trop faiblement combattue, comme du reste le sont plus généralement les faits de racisme et de discrimination. Il faut se donner les moyens dêtre plus efficaces pour permettre aux victimes de retrouver toute leur dignité et pour faire reculer racisme et discrimination qui constituent des poisons pour la cohésion nationale de notre pays comme la souligné le Président de la République en octobre 2003. Dialogue religieux Le dialogue inter-religieux existe et marque la volonté des différentes églises de ne pas entrer en concurrence lune avec lautre et de participer à un message commun de tolérance réciproque. Le rattachement à la lignée dAbraham devrait rapprocher les religions chrétienne, juive et musulmane. De nombreuses rencontres ont effectivement lieu régulièrement au niveau international, national et local entre des dignitaires des différentes religions. On évoque souvent à ce titre la rencontre inter-religieuse dAssise en 1986 qui a réuni des représentants catholiques, orthodoxes, protestants, juifs, musulmans, bouddhistes et différents représentants de religions dAfrique et dAsie. Ce type de rencontres sest depuis renouvelé dans différentes villes. On peut aussi noter linitiative prise cette année par une paroisse catholique qui a mis à disposition une salle de son église pour que les musulmans puissent y effectuer leurs prières. Cétait, jusque dans les années 80, une pratique courante. De même, pour fêter le Kippour de cette année, une réunion cuménique a rassemblé des représentants de lislam comme du catholicisme et du protestantisme autour de dignitaires religieux juifs. Il est aussi important dêtre attentif au dialogue intra-religieux. Certains estiment quil faut renouer avec la libre confrontation doctrinale qui a animé lislam pendant des siècles. Sur un autre plan, il nest pas normal que les infrastructures intellectuelles permettant une vraie connaissance du fait religieux et de lhistoire des religions et offrant des cadres aux débats sereins aient quasiment disparu, notamment au sein des universités françaises. Dautant que ces faits de culture et de civilisation devraient être intégrés dans les programmes denseignement pour tous. Assurer une visibilité à lislam Nous lavons vu, la religion musulmane, 2è religion de France, est peu connue et surtout assez invisible pour que se développent les pires préjugés à son sujet. On a tendance à oublier quà linstar des autres religions monothéistes, lislam, loin dêtre monolithique, est traversé de courants, de sensibilités. A ce titre, on peut noter certaines initiatives et pistes de réflexion envisagées pour donner une meilleure visibilité à lislam et à tous les musulmans quelles que puissent être leurs origines " ethniques ". Les Conseils Français du Culte Musulman (CFCM) mis en place aux niveaux régional et national par le ministère de lIntérieur participent de cette volonté de donner un visage à lislam de France, de le situer sur un pied dégalité avec les autres religions et de montrer sa pluralité pour rassurer lopinion publique, et marquent la détermination à faire émerger des interlocuteurs, qui semblaient faire défaut, pour discuter de ce qui a trait à la pratique de la religion musulmane. Ces conseils nont pourtant pas fait lunanimité. Ils ont été, en effet, critiqués pour la trop grande place quils accorderaient aux franges les plus dures de lislam français. Au point que le journal " Le Parisien " se demandait, au lendemain des élections de ces conseils, sil fallait avoir peur des musulmans de France. Néanmoins, lopinion publique semblait majoritairement (55%) croire que " cela va permettre de faciliter lintégration de lislam en France et de réduire les risques de montée du fanatisme islamique ". Au-delà du CFCM, il faut signaler que certains groupes et secteurs musulmans sorganisent au sein dassociations variées telles le Conseil des Démocrates Musulmans de France (CDMF) qui réunissait son congrès fondateur le 18 octobre 2003. Ce Conseil souhaite représenter et soccuper de la " majorité des musulmans " et désire aboutir à une " reconnaissance politique " des musulmans selon M. Dahmane, son fondateur. Ces Démocrates musulmans se sont déclarés " indépendants et affranchis de toute autorité politique ou religieuse étrangère " et ont rappelé dans une charte leur " attachement à la République et à ses valeurs ". Ainsi en est-il également du Conseil Français des Musulmans Laïcs, dont le congrès fondateur sest tenu le 24 mai 2003. Ces initiatives permettent de montrer des visages différents de lislam, loin des amalgames qui lient " musulman " à " intégriste " ou " terroriste ". Pour ce qui est de la visibilité et du libre exercice des pratiques religieuses, des améliorations peuvent être apportées par les pouvoirs publics. Le Ministère de la Fonction Publique établit chaque année une liste des grandes fêtes religieuses pour lesquelles des autorisations dabsence exceptionnelles peuvent être accordées. Les grandes fêtes musulmanes y figurent. Lutilisation de ce calendrier pourrait être étendue au secteur privé même si, dans labsolu, les salariés musulmans comme juifs ne devraient pas avoir à sacrifier un jour de congé pour leurs principales fêtes alors que les chrétiens nont pas à le faire. Ce premier pas constituerait donc une avancée indéniable. Il faudrait surtout favoriser lexistence de lieux de culte visibles, intégrés à la ville (et non construits aux confins de la cité ou à la périphérie des ville) et ouverts, à limage de ce que peut être la grande Mosquée de Paris située en centre ville parisien et accessible à tous et toutes, musulmans ou non, notamment par le biais de son salon de thé, de son hammam ou de sa bibliothèque. Il en est de même pour de nombreux aspects de la liberté et de lexpression religieuses que nous avons déjà soulignés. Le Haut Conseil à lIntégration le notait dans son rapport de 2000, lEtat doit accompagner les musulmans qui en font la demande dans la recherche de solution de nature à faciliter lexercice de leur culte en France. Cest avec des mesures assez simples mais à forte portée symbolique quon peut assurer une plus grande égalité de traitement ainsi que la banalisation du fait religieux musulman, sa dissémination dans le quotidien. On pourrait aussi développer, autour de la culture arabo-musulmane, des initiatives populaires prenant pied dans le quotidien des Français (établissements scolaires, bibliothèques municipales, places centrales dans la ville ) : expositions, semaine déchanges et de tables-rondes, fêtes religieuses... permettant dassocier lensemble des habitants de tel ou tel quartier. Au-delà de ce qui peut aujourdhui se faire dans le cadre de lInstitut du Monde Arabe qui reste tout de même réservé à une certaine élite intellectuelle, il faut démocratiser laccès à la connaissance, à louverture sur les autres cultures. Cest aussi en valorisant ce patrimoine culturel et religieux, tout comme lhistoire de limmigration et lapport des immigrés à la France, que lon permettra aux jeunes issus de limmigration maghrébine de ne pas être amputés de leurs racines, de leur mémoire. Cest à la fois rendre visible lislam mais aussi faire partager sa compréhension, éduquer. Eduquer Il convient de rappeler que les autorités religieuses musulmanes sont souvent les premières à dénoncer les violences prétendument fondées sur la foi musulmane. Mais nombreux sont ceux qui ny prêtent pas attention. Lignorance est le terreau des préjugés. Lhostilité est souvent bâtie sur la méconnaissance et lignorance. Voilà pourquoi, il est important de transmettre, dinformer . bref dapporter des informations sur lislam en tant que religion mais aussi sur lhistoire du bassin arabo-musulman. Peut-être quà travers cette transmission des savoirs, les plus jeunes comme les autres cesseront de croire que lislam a commencé avec les Talibans et Oussama Ben Laden et prendront la mesure de la richesse, des évolutions dune religion qui a traversé près de quatorze siècles et qui concerne aujourdhui près d1 milliard dhommes du sud du Sahara à lIle de Java. Certains proposent que cette transmission sopère notamment dans les établissements scolaires. Les collégiens étudient sommairement en classe de sixième les grandes religions, mais, Régis Debray, dans son Rapport sur lenseignement du fait religieux dans lécole laïque, remis au Ministère de lEducation en février 2002, préconise le renforcement de lenseignement de lhistoire des faits religieux dans les programmes scolaires. Le sondage de la CNCDH montrait en 1995 que lopinion publique y était tout à fait favorable. Un autre sondage plus récent montre quun enseignement sur les religions à lécole permettrait, selon la population française, " un enrichissement culturel pour chacun ". Il est préconisé dans le cadre de cet enseignement dinsister sur les interpénétrations des différentes religions et des cultures. Il est en effet important de ne pas limiter ces programmes à un connaissance dogmatique des religions, les aspects de civilisation et artistiques sont primordiaux pour montrer les évolutions, linfluence de lislam. Daprès le Recteur Boubakeur, " on pourrait renforcer lenseignement autour de lhistoire et de la culture arabo-musulmane pour combattre les préjugés et montrer que lislam ne se réduit pas aux fondamentalistes médiatisés (astronomie, mathématiques, arts, philosophie ) ". Les débats sur lislam sont souvent biaisés car ils sont toujours menés sous le prisme du sociétal ou du géopolitique. Ces enseignements qui ne pourraient être assurés par des dignitaires religieux mais bien des enseignants de lEducation Nationale à linstar des autres disciplines- permettraient peut-être de clarifier des vocables galvaudés par les média comme le djihad, la fatwa mais surtout, ils seraient loccasion de reconnaître que lislam fait partie intégrante de lhistoire et du patrimoine de lEurope et de lhumanité et de sortir dune vision ethnocentrée du monde. Mais, pour M. Boubakeur, " cet enseignement du fait religieux se ferait au même titre que celui du principe de laïcité souvent mal compris sinon ignoré. LEducation nationale doit former de futurs citoyens quelles que soient leurs origines ou leurs confessions religieuses. Il est primordial de montrer aux plus jeunes quil na pas été facile pour la société française de sextirper de ses archaïsmes, de ces partis pris. La Révolution française a gommé les privilèges et lEcole publique a intégré les riches comme les pauvres, les garçons comme les filles. Ce volontarisme égalitaire est certes loin davoir abouti mais lintention est généreuse. Luniversalisme égalitaire de la République française reste certes à parfaire, mais il est une chance pour tous. " Il semble par ailleurs que les jeunes, tout comme le reste de la société, aient globalement une connaissance de lhistoire des religions et de leurs évolutions très limitée voire inexistante quil sagisse de lislam ou des religions juive, catholique, protestante ou bouddhiste. Or, il serait sans doute judicieux de montrer que ces religions nont pas toujours été synonymes de pays, de tolérance ou douverture desprit . Par ailleurs, " on a longtemps occulté le fond commun aux trois grandes religions monothéistes, en exagérant ce qui les distingue et en cherchant à ériger des oppositions substantielles là où il y a des similitudes fondamentales ". Cette occultation des rapports qui lient lislam aux autres religions dites constitutives de lidentité européenne et lignorance des apports de lEspagne musulmane, de la Sicile sous les Fatimides, de lEurope ottomane et des composantes musulmanes des empires coloniaux renforcent les préjugés défavorables à lislam. Comme le résume M. Arkoun, historien, " il y a des tâches nouvelles que lEtat républicain laïc a négligé dentreprendre : introduire dans le système éducatif à tous les niveaux un solide enseignement de lanthropologie comme exploration et critique méthodiques des cultures du monde désormais présentes, mais sous forme denfermement communautaire, sur le territoire national ". Mais, cest aussi aux médias dans leur ensemble de satisfaire ce besoin de connaissances et dinformations, de cesser de ne parler dislam et des musulmans quen terme de risque et de danger. Il existe en la matière une véritable demande comme ont pu le constater lensemble des libraires qui ont vu les ventes du Coran et autres ouvrages spécialisés sur lIslam senvoler aux lendemains des attentats du 11 septembre 2001. Au-delà de la connaissance des faits religieux, il semble aussi important de développer des formules de familiarisation sur lenvironnement international. Nous sommes en effet tous beaucoup plus informés sur les évolutions géo-stratégiques internationales quauparavant sans pour autant être dotés des repères qui permettent de comprendre véritablement ces informations sans sombrer dans lémotion immédiate ou les simplifications abusives et manichéennes. Des musulmanes en mouvement Nous avons vu que la place et le sort réservés aux femmes dans le monde musulman constituaient des repoussoirs pour lopinion publique française. Mais, dans le même temps, des musulmanes peuvent aussi apparaître comme les vecteurs dune dynamique positive qui permet à lopinion publique de saisir la nature évolutive de la religion musulmane et sa pluralité. Tout récemment, plusieurs personnalités revendiquant leur confession musulmane sont intervenues sur la scène publique en montrant un autre visage que ceux qui hantent habituellement les médias. Ainsi, le comité Nobel a remis son prix Nobel de la paix 2003 à une avocate iranienne, Shirin Ebadi, qui fut en 1974 la première femme juge de son pays avant dêtre contrainte de démissionner par les islamistes qui sinstallèrent au pouvoir à Téhéran. Madame Ebadi est très impliquée dans la lutte contre loppression et lobscurantisme dont sont victimes les femmes et depuis vingt ans, " essaie de faire comprendre que lon peut être musulman et avoir des lois qui respectent les droit de lhomme ". Malgré les menaces, elle a continué de souligner les contradictions de la loi iranienne en ce qui concerne les droits des femmes et des enfants et a toujours rejeté toute justification par lislam de ces contradictions et violations, les imputant à un esprit traditionaliste archaïque. Elle rappelle que " le Coran est compatible avec les droits de lhomme ". On peut aussi souligner à léchelle française le rôle joué par certaines participantes de la " Marche des femmes contre le ghetto et pour légalité " du mouvement " Ni putes, ni soumises ". Certaines représentantes de ce mouvement mixte et métissé, et notamment la Présidente de ce mouvement Fadéla Amara, se sont affirmées sur la scène médiatique comme musulmanes pratiquantes tout en dénonçant le machisme qui va grandissant dans les quartiers populaires, la passivité des pouvoirs publics et de la société face aux violences faites aux femmes. Elles ont aussi largement critiqué les interprétations rigoristes du Coran qui amènent les jeunes femmes à respecter lobligation de virginité, à accepter des mariages arrangés et à senfermer à la maison. Mais, ces marcheuses ont toujours souligné que ces violences étaient avant tout la résultante de lenfermement social des quartiers ghettos. Ces deux figures, qui ont récemment connu une médiatisation importante, illustrent ce dynamisme des femmes musulmanes à létranger comme en France, et prouvent dans leur prise de parole, dans leurs revendications, que lislam est bel et bien pluriel et que de nombreux musulmans se battent contre les courants néo-conservateurs qui dirigent nombre dEtats islamiques et qui cherchent à imposer par la force leur vision de lislam à lensemble des musulmans. Ces débats parfois vifs à lintérieur même de la communauté musulmane sont indispensables, et leur publicité participe à sortir des images simplificatrices de lislam. Mettre fin à lexclusion économique, sociale et spatiale Il est urgent à double titre de mobiliser pour mettre fin aux ghettos et leurs conséquences économiques et sociales. Dabord, parce que ces ghettos constituent des terreaux dislamisation radicale, surtout quand ils sont désertés par les services républicains et que les imams deviennent les seuls référents. Ensuite, parce que ces ghettos, produits des discriminations raciales, nourrissent les fantasmes et les amalgames dont souffrent les populations maghrébines et participent donc à la perpétuation des processus discriminatoires. Les services publics sont loin dêtre exemplaires. Non seulement parce que pour un certain nombre, ils participent aux processus des discriminations systémiques graves à légard des usagers (logement, formation ) mais aussi parce que globalement, lAdministration et plus largement le secteur public sont loin dêtre représentatifs de la France de 2003 : encore trop peu denfants de limmigration maghrébine ou africaine y occupent des postes et rôles notables (télévision, monde politique, entreprises publiques, artistes subventionnés ). Ce secteur est donc loin de jouer le rôle daiguillon quil pourrait incarner par rapport au secteur privé notamment. La création dune haute autorité, qui devrait voir le jour début 2004, constitue un progrès indéniable mais elle ne saurait exonérer lEtat dune politique publique forte de lutte contre les discriminations. Au-delà, elle ne résoudra pas à elle seule et durablement les discriminations systémiques identifiées dans notre société et lexclusion économique et sociale quelles aggravent. Il faut pour cela mettre fin à la concentration des populations issues de limmigration dans les quartiers délaissés et réfléchir à une nouvelle forme de répartition urbaine pour casser la ghettoïsation des écoles qui va de pair avec celle des quartiers. Là est lurgence. Les descendants de limmigration quelle que soit leurs origines, quelle que soit leur religion, désirent avant tout, comme les immigrés qui les ont précédés, un logement digne, un emploi et un avenir pour leurs enfants. Rien de plus mais rien de moins. Et, là réside bien le défi actuel de notre République. Si elle ny répond pas, nulle action de dialogue et de lutte contre les racismes naura de réelle incidence. La réponse à apporter au racisme anti-maghrébin et à sa nouvelle coloration religieuse est avant tout une réponse politique et sociale. De nombreuses associations locales ou nationales le répètent depuis de nombreuses années. Enfin, il faudrait éviter de faire du prisme religieux la référence absolue. Les interlocuteurs religieux doivent rester à leur place. " Les liens communautaires confessionnels sont de plus en plus sollicités par les pouvoirs publics pour soigner la " fracture sociale " et contenir la violence ". Mais, la lutte contre lexclusion économique et sociale et les discriminations raciales relève principalement des pouvoirs publics : lutter contre lhostilité rencontrée par les Maghrébins ne saurait se résumer à soutenir financièrement et politiquement les associations musulmanes. Ce nest pas en tant que maghrébins ou musulmans que les personnes issues de limmigration réclament légalité des droits et légalité des chances mais tout simplement en tant que citoyens. Il est par ailleurs dautant plus dangereux denfermer cette population dans des catégorisations ethniques ou religieuses spécifiques que cette identification relève de la subjectivité de chacun et quun mouvement remarquable de métissage traverse et transforme la société française. http://www.commission-droits-homme.fr/travauxCncdh/intoleranceIslam.html
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