Mais Reporters sans frontières demande qu’un démenti soit publié dans dix organes de presse français et internationaux. Christian Terras, le rédacteur en chef de Golias, remarque qu’à raison de 30.000 francs l’insertion, ceci revient à tuer sa revue. De plus, il affirme qu’« à aucun prix, [il] ne fera un rectificatif : je ne reconnaîtrai jamais que c’est une erreur. »
Les vaillants Reporters sans frontières étaient tellement pressés de disculper le père Sibomana qu’ils avaient assigné Golias en référé, en plein mois d’août, laissant à la revue environ une journée pour préparer sa défense : ils furent une première fois déboutés, pour non-respect des droits de la défense. Pas refroidis pour autant, ils déposèrent une nouvelle plainte en référé. Selon Christian Terras, « ils ont alors tout mis en oeuvre pour faire jouer le maximum de relations dans les médias, afin de casser du sucre sur nous ».
C’est ainsi qu’un article de Stephen Smith, encore lui, paru début septembre dans Libération (et visant, comme on l’imagine, à vanter les mérites de Sibomana - et donc, l’« erreur » de Golias), citait les propos de Christian Terras alors que, selon ce dernier, ils n’a jamais parlé au journaliste : « Ce que citait Smith était en fait la reprise d’extraits du dossier confidentiel que les avocats s’échangent la veille de l’audience. C’est une violation manifeste du secret de l’instruction. »
Un autre journaliste a avoir pris la défense de Sibomana est Noël Copin, l’ancien directeur de la rédaction de La Croix... Monsieur Copin est par ailleurs président de Reporters sans frontières. En août, sans que soit spécifiée son appartenance à RSF, il se fendait d’un long article dans La Croix, dans lequel il évoquait l’affaire Sibomana en ironisant sur les révélations de Golias. Christian Terras est bien placé pour penser qu’il y a, là encore, une vraisemblable violation du secret de l’instruction.
Reporters sans frontières est, par ailleurs, cette belle association qui se soucie de la défense des journalistes persécutés à travers le monde et de leur liberté d’expression. Nous ne savons pas encore quels étaient les mérites d’André Sibomana qui pouvaient valoir à ce journaliste rwandais le prix 1994 décerné par RSF. Espérons qu’il ait eu une attitude radicalement différente de celle de ses tristement célèbres collègues de Radio Mille Collines.
Le fait que Monsieur Sibomana soit aujourd’hui soupçonné d’actes regrettables au cours du génocide, cette même année 1994, pourrait les inciter à reconsidérer l’attribution, peut-être hâtive, de ce prix. En tout cas, RSF devrait peut-être décerner son prix 1995 à Golias, cette revue dont le travail, depuis quelques années, en particulier sur l’analyse de la droite catholique, est une véritable leçon pour toute la profession. Rappelons que Golias a été l’un des rares journaux à oser soulever le scandale rwandais. En particulier l’affaire du père Wenceslas Munyeshaka, qui a fait plus de bruit que tous les articles de Maintenant.
Soulignons que tous les présumés responsables du génocide rwandais échappent à ce jour aux poursuites. Wenceslas fait exception. Pour récompenser le journal par qui le scandale arrive, Reporters sans frontières ne trouve rien de mieux à faire que d’exaucer les voeux les plus fous de la DGSE et du Vatican.
Toujours le Rwanda
Ça y est, le gouvernement rwandais s’est enfin jeté à l’eau en demandant la mise en accusation de la France pour avoir armé les génocideurs, en dépit de l’embargo décrété par l’ONU, c’est-à-dire y compris pendant le génocide.
S’il est franchement souhaitable que cette plainte suive son cours et aille jusqu’à son terme, ce n’est pas seulement par amour de la justice, mais parce qu’il reste un problème : non seulement le gouvernement français a été capable d’approvisionner en armes les tueurs du Rwanda pendant qu’ils commettaient un des plus monstrueux crimes du siècle, mais il continue à protéger, entretenir et armer les mêmes assassins. Au risque d’embraser le Burundi. Avec, comme objectif, de rallumer la guerre au Rwanda.
L’armée française n’aime pas la défaite. Il serait peut-être temps qu’elle comprenne que la justice internationale pourrait demander des comptes à nos généraux pour leurs sales guerres africaines. Tout comme à messieurs Karadzic ou Mladic pour la guerre bosniaque.
Michel Sitbon - 20 septembre 1995
Ancien directeur de la revue Maintenant, Michel Sibon est PDG des éditions Dagorno, L’Esprit frappeur et Le Lézard.
Article d’origine : Site du Réseau Voltaire
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Le groupe de Nancy Crespo est ouvertement lié à un réseau d’individus qui, tous, ont participé activement aux campagnes en faveur du terroriste international Luís Posada Carriles et pour la libération d’Orlando Bosch, le terroriste le plus dangereux du continent, selon le FBI lui-même. Ce même réseau a aussi combattu férocement le retour du petit Elian à Cuba... et a livré la Maison Blanche à George W. Bush, en trafiquant les élections en Floride du Sud.
En quelques chapitres, l’auteur retrace aussi l’histoire des relations suspectes de Ménard avec les grandes fortunes du monde français des médias qui ont fait de lui un intouchable dans toute la presse française.