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Mis en ligne le 22 février 2006

Offensive réactionnaire sur un passé colonial bien présent...

2005 : retour des questions coloniales sur la scène médiatique et politique
Alternative Libertaire, janvier 2006

L’année 2005 restera comme celle du grand retour des questions coloniales sur le devant de la scène médiatique et politique, comme si la réalité des questions soulevées (domination, exploitation des peuples) n’avait cessé d’exister.

Ci-dessous deux articles du numéro de janvier 2006 d’Alternative Libertaire :

De la loi du 23 février 2005 sur les rapatrié(e)s (des ex-colonies), en passant par la commémoration au grand jour de stèles à la mémoire de l’OAS (organisation de l’armée secrète, mouvement terroriste des partisans de l’Algérie française) et des bourreaux de la guerre d’Algérie et par la mise en place de “ l’état d’urgence ”, déterrement de la loi d’exception du 3 avril 1955 (initialement appliquée entre 1955 et 1962 du temps de la guerre d’Algérie, puis en 1984-1985 en Nouvelle-Calédonie, pour mater la rébellion indépendantiste du peuple kanak) les références et les liens assumés avec le colonialisme sont là.

Et ils sont révélateurs - de façon inquiétante - des rapports de forces actuels.

Derrière une pseudo volonté de parler de l’ensemble du passé colonial, le véritable enjeu est bien pour une partie de la droite la réhabilitation d’une colonisation pleinement assumée. Loin de rappeler que le système colonial est fondé sur la domination et le pillage des peuples colonisés, cette droite entend marquer fortement une société qui n’a que très à la marge fait un travail d’analyse et de réflexion sur une occultation massive des réalités coloniales parfois proche de l’amnésie. Amnésie pas innocente quand on analyse le paradoxe de situation entre les motivations, les réalités du colonialisme et le républicanisme officiel.

Liberté pour les Blancs, égalité des colons, fraternité des patrons, avec un petit saupoudrage de congrégations religieuses prête à convertir “ les indigènes ”. Ces paradoxes ont servi de levier aux peuples pour se libérer du colonialisme, même si les mises en place et les prises de pouvoir d’“ élites anciennement colonisées ”, nouvelles bourgeoisies liées aux ex-colonisateurs, ont conduit à des politiques dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux des populations.

Ainsi il est bon de rappeler que dans le cas du système colonial français, la domination s’est appuyée sur une justification “ civilisatrice ”, qui n’est en fait qu’un placebo raciste apposé à une entreprise d’exploitation économique, d’assujettissement des peuples fondé sur une situation d’exception légale permanente.

Retour sur la loi de février

Le débat s’est particulièrement focalisé sur un article d’une loi, qui est déjà en elle-même un héritage du colonialisme, et principalement sur la question de l’enseignement de l’histoire. Ceci est lié au fait que la médiatisation de cet article 4 est d’abord due à l’action d’historien(ne)s qui dès le mois de mars 2005 ont lancé une pétition intitulée “ Colonisation : non à l’enseignement d’une histoire officielle ” avec quelques échos (cf. Alternative libertaire, mai 2005 n° 140), et ce, bien avant fin novembre et la tardive tentative d’abrogation parlementaire.

La question aurait pu en rester à une pétition médiatique, à une résistance active du milieu enseignant et à une démarche politicienne à l’assemblée. Mais cette droite décomplexée, qui cherche à nous assommer et à briser toutes velléités de résistance, se permet d’énoncer par son héraut du moment un nettoyage au Kärcher contre la pauvreté et les traces de décennies de politiques antisociales. S’il est évident que ces déclarations ne sont qu’un des multiples éléments qui permettent de comprendre les soulèvements de novembre, le dépoussiérage d’un racisme d’État jusque-là assumé classiquement par l’extrême droite est inquiétant.

De la polygamie aux “ youyou ” en passant par cette sacro-sainte intégration, fille de l’assimilation coloniale, nous venons de vivre un mois d’escalade presque peu croyable il y a encore quelques années.

Il serait trop simple de croire qu’il ne s’agisse que d’une “ lepénisation des esprits ”, même si la surenchère à l’extrême droite est forte et que la lutte antiraciste est éclatée et peu présente dans l’action de la plupart des organisations syndicales et politiques. Il s’agit bien d’un ancrage raciste fort, lié au passif colonial, que cette droite remet au goût du jour “ sans excès de repentance ” (sic !).

Pourtant une cinglante gifle est venue refroidir les ardeurs réactionnaires du roitelet de Neuilly, obligé de reporter son passage aux Antilles, où la mobilisation a dépassé les réseaux des indépendantistes et de l’extrême gauche, et a clairement porté sur la vision et l’action colonialiste du gouvernement.

S’il convient de continuer notre lutte quotidienne contre les racismes de tout genre, contre les rafles actuelles qui visent les sans-papiers, nous devons aussi pousser à une réflexion plus approfondie sur le passé colonial d’une société qui véhicule encore beaucoup d’imaginaires nauséabonds et qui n’a que très peu dépassé le stade de l’autosatisfecit.

Pierre Laviec

Liens :

-  Blog qui recense l’expression du racisme ordinaire : http://racismeordinaire.over-blog.com/

-  Pétition des historiens de mars 2005 : http://www.ldh-toulon.net/article.php3 ?id_ article=555

L’article 4 de la loi du 23 février 2005

Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. ” “ Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. ” “ La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l’étranger est encouragée.

Les faux-semblants de la droite

Ces tentatives réactionnaires de la droite ne sont pas une simple “ lepénisation ” : forte, elle est décomplexée sur des sujets qu’elle n’osait plus aborder aussi fortement ces dix dernières années, mais qui font partie de sa vision politique. La médiatisation et la mise en avant d’une problématique annoncée comme “ coloniale ” a pu paraître quelque peu gêner un Chirac qui essaye de rester dans l’histoire comme celui qui a fait avancer la reconnaissance par l’État français d’une partie de ses crimes. Suite à la médiatisation de l’article 4 et aux réactions en Algérie, le pouvoir algérien a été obligé de pousser à la remise en cause d’un “ traité d’amitié ”, qui a en fait été reporté de quelques mois.

On a ainsi assisté début décembre à un jeu de dupes, voulant nous faire croire que cet article de loi ne serait qu’un passage en douce de parlementaires des plus réactionnaires, qu’il n’était pas question d’histoire officielle ou de néocolonialisme et qu’une commission mixte (parlementaire et historien(ne)s) travaillerait sur le rôle du Parlement dans la fabrique de l’histoire. Trois pas en avant, un pas en arrière... N’oublions pas que ce même Chirac déclarait dans les années 80 : “ Je suis fier de l’œuvre coloniale de la France. Il n’ y a que les intello-gaucho-masochistes pour critiquer cela. C’est pourtant une image superbe de la France. Quand Jacques Médecin inaugure à Nice une place de l’Indochine, je dis qu’il a raison. ” (Libération du 12-03-1988), et puis le bruit et l’odeur...

Le Parti socialiste en porte-à-faux

Le Parti socialiste a donc pris, tardivement, fait et cause pour l’abrogation pure et simple de l’article 4, posant le 10 novembre dernier, en même temps que le PCF, une proposition de loi explicitant cette démarche. Si on s’intéresse de plus près aux motivations qui conduisent à demander cette abrogation, on trouve entre autres ceci : “ La présence française outre-mer s’est étalée sur plusieurs siècles et a eu des effets divers. Certes cette présence a engendré des avancées dans le domaine des infrastructures, des équipements publics et autres, réalisées par le travail de travailleurs français et de ceux issus de ces territoires, mais il est difficile a priori, de ne les voir que sous leurs seuls aspects positifs et cela ne peut justifier en soi la colonisation. [...] L’article 4 [...] met en cause l’image et le rayonnement de la France ”.

Outre la volonté forte de ne pas parler du travail forcé des populations colonisées, ces passages doivent nous rappeler que la politique coloniale initiée et catalysée par Jules Ferry est l’apanage d’une gauche parlementaire à la fin du XIXe siècle, qui pousse vers les colonies contre une droite braquée sur la revanche et les Vosges. C’est cette gauche qui a théorisé et poussé une “ mission civilisatrice ”, et par la suite, quelle que soit la couleur politique du pouvoir étatique de la IIIe à la Ve République, les continuités consensuelles ont été permanentes en ce qui concerne l’aspect colonial, et la gestion néocoloniale (françafrique...). Ce qui gêne le Parti socialiste dans cette loi n’est pas si clair que çà, puisque ce parti veut participer à la construction d’une vision du positif/négatif sur le champ colonial. Vision peu étonnante : ce débat sur la question des aspects ou du rôle positif (ce qui au final revient quasiment au même dans l’idée) n’est que la suite logique d’une croyance forte à gauche d’une action bénéfique, liée au processus de colonisation et qu’aurait représenté la “ mission civilisatrice ”, transformée depuis en “ francophonie ” et en “ coopération ”.

Les liens sont évidents. Et si le sondage CSA du 30 novembre pour Le Figaro doit être pris avec l’ensemble des gros gants habituels, il rappelle que la question est loin d’être réglée : ainsi on voit dans ce sondage que 57 % des gens qui se disent de gauche et d’extrême gauche sont favorables au fait que soit indiqué par la loi que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la colonisation française... Georges Frêche, président de région socialiste, déjà connu pour ses propos racistes 1 et ses projets mégalomanes, s’en est encore donné à cœur joie en chantant en plein conseil régional un chant colonial, repris par les élu(e)s du Front national. Un épiphénomène ? Alors revenons-en aux fondamentaux : le colonialisme est un système de domination, les historien(ne)s qui travaillent actuellement sur ses complexités, ne s’y trompent pas.

Page d’origine

Notes :

1. C’est ainsi qu’il avait déclaré lors de l’inauguration du tramway de Montpellier que le centre-ville serait enfin relié à Tombouctou, comprenez la banlieue.

Colonisation Les enjeux d’un débat

Décidément, on n’a pas fini de parler des retombées des émeutes de banlieue de novembre 2005. Bien sûr peu de monde se soucie du sort de celles et ceux que visent les discriminations au quotidien. Pour le gouvernement la cause est entendue. Il faut plus d’esclaves pour le patronat dès l’âge de 14 ans, des flics et des juges dans les établissements scolaires, des contrôles d’identité renforcés et des cacahuètes pour les associations. La gauche se prépare pour l’alternance en 2007.

Bref, pour les jeunes, pour les travailleur(se)s et les chômeur(se)s, il est illusoire de pouvoir attendre quoi que ce soit de celles et ceux qui prétendent nous représenter. Prendre ses affaires en main ? Oui bien sûr, mais l’idée ne sonne pas comme une évidence pour celles et ceux qui se heurtent constamment à des murs, qui ont une image profondément dévalorisée d’eux/elles-mêmes et pour lesquel(le)s action collective rime au mieux avec une utopie hors de portée au pire avec “ la ” politique jugée discréditée et inopérante.

Est-ce à dire que la seule planche de salut réside dans une explosion de violence destructrice pour les habitant(e)s des quartiers populaires qui serve de prétexte au renforcement d’un pouvoir de plus en plus autoritaire ? Ce n’est pas si sûr.

Un des effets positifs des émeutes de novembre de 2005 aura été d’ouvrir, enfin, le débat sur la colonisation française. Loin de se limiter à une joute entre politiciens revanchards, gauche parlementaire et historien(ne)s, cette question témoigne de la prise de conscience d’une génération invitée à se pencher sur sa mémoire pour mieux se l’approprier sans entrer dans le piège de la concurrence entre les mémoires. La loi du 23 février 2005 et plus particulièrement son article 4 qui célèbre les vertus prétendument positives de la colonisation et dont il faut obtenir l’abrogation sont sans doute en train de servir de catalyseur.

À travers ce retour critique sur la colonisation, on l’aura compris, il ne s’agit pas d’obtenir seulement de la République la reconnaissance d’une partie de ses crimes pour solde de tout compte, comme cela s’est produit, il y a dix ans, lorsque Chirac reconnaissait enfin la pleine responsabilité du gouvernement français dans la déportation des juifs.

Ce débat renvoie également à d’autres enjeux, qui touchent aux valeurs et au projet de société, et qui relèvent donc de choix politiques. Et ce n’est pas en ressassant à l’infini une devise en trompe-l’œil (liberté, égalité, fraternité) porteuse de fausses promesses ou en brandissant le droit de vote comme ultime recours et seul moyen efficace pour être entendu qu’il sera possible de remobiliser autour d’un projet émancipateur.

En 1789, l’insurrection émancipatrice dirigée contre la tyrannie est venue du centre (Paris), aujourd’hui la contestation vient de ses marges (banlieues) et de ses dépendances (DOM). Elle n’aboutira à rien tant qu’elle ne dépassera pas la fragmentation actuelle qui renvoie chacun(e) à son entreprise, sa corporation, son quartier, sa cité, sa région, son île et finalement à son impuissance.

Alternative libertaire, le 21 décembre 2005

Page d’origine

A LIRE :

Alternative Libertaire, janvier 2006.

http://alternativelibertaire.org

Publié le mercredi 22 février 2006
Mise à jour le mercredi 22 février 2006

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