Le scénario de cette éviction évoque irrésistiblement la mise à la retraite anticipée de Nikita Krouchtchev par le Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) en 1964. À un détail près : la décennie Krouchtchev fut associée au « dégel » post-stalinien ; la « décennie RTA » restera gravée dans les mémoires comme l’ère de la surgélation mentale.
Le premier acte de notre comédie médiatique se déroule au cours du deuxième semestre 2004. Devant l’effondrement de la diffusion du Quotidien vespéral des marchés (consécutif aux coups de boutoirs sardons), la jonction de deux fronts autrefois hostiles intervient au sein du Monde. Les anti-RTistes historiques (dont deux des principaux informateurs de notre journal) s’allient aux Raministes pour démettre le directeur de la rédaction. Au même moment, actionnaires et créanciers du quotidien somment Minc et Colombani d’assainir les comptes et, surtout, de faire déguerpir la petite teigne moustachue (PTM) dont ils ont jaugé la perte de crédit en regardant l’émission « Le Monde des idées » sur LCI, la chaîne des banquiers que détient TF1. Virez-le, « c’est votre dernière chance ! », rugit Jean-Louis Beffa, patron de Saint-Gobain (cité par Libération, 24.11.04).
En novembre, les relations entre Ramina et le RTA se détériorent de manière spectaculaire : en conférence de rédaction, ils ne se serrent plus la main. C’est l’instant choisi par Ramina pour déclencher « La nuit des longues moustaches », dont PLPL est informé dès le 14 novembre, c’est-à-dire deux semaines avant qu’elle soit déclenchée... Le RTA est déposé, ses fidèles écartés.
La Saint Barthélemy du téléachat ne fait que commencer. Donnant enfin raison à PLPL et aux auteurs de La Face cachée du Monde, Pierre Péan et Philippe Cohen, Ramina précise que, désormais débarrassée de son dictateur, « la rédaction doit se réapproprier le journal » pour « le rendre à ses lecteurs » (cité par Libération du 4.12.04 et Le Monde du 16.12.04). Les journalistes et les lecteurs s’étaient donc bien vu confisquer leur journal ! Aveux stupéfiants pour qui se souvient des torrents de boue que Colombani (mais aussi BHL et Philippe Corcuff1) orientait sur l’auréole des saints sardons qui documentaient de semblables forfaits avant tout le monde ...