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Publié le 4 avril 2005 par iso
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Le Mal-Etre arabe - Enfants de la colonisation
Dominique Vidal & Karim Bourtel
Contre-Feux / Agone

"Le mal-etre de centaines de milliers d’immigres et de fil(le)s d’immigres nord-africains a d’evidence des causes anciennes et profondes, qui minent le "modele republicain". Souffrent-ils, comme disent certains, d’une schizophrenie identitaire ou plutot des discriminations dont ils sont victimes dans tous les domaines _logement, education, emploi, sante, culture ? Le sort que cette societe leur reserve a-t-il un lien, et lequel, avec la longue histoire coloniale de la France ? Les enfants de l’immigration subissent-il le carcan de l’islam, juge irreformable et accuse de servir de terreau a toutes les violences -délinquance, actes antisémites ou machistes, voire terrorisme ? A moins qu’une certaine islamophobie ne s’ajoute au vieux racisme anti-arabe, alimentee par la "guerre anti-terroriste" -et ses relais mediatiques- menee par les Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001 ?"

 


Deux décennies après la “marche des Beurs”, où en est le mouvement des jeunes issus de l’immigration ? L’action commune entre musulmans et non-musulmans contre l’exclusion augure-t-elle d’un renouveau de leur action et de leur alliance avec les forces altermondialistes ? Mais pour quel objectif ? Afin que les enfants de l’immigration s’“intègrent” à la société française - mais à la seule manière d’une reddition sans condition ? Ou pour que celle-ci leur garantisse enfin l’égalité des droits et des chances sans laquelle il n’y a pas de possibilité de vivre ensemble, dans le respect des différences ? »

Revue de presse :

Voici un ouvrage qui se place d’emblée, « d’entrée de lecture », parmi les meilleurs sur les « enfants de la colonisation » que sont aujourd’hui les français d’origine arabe. Le raisons en sont multiples, que le lecteur découvre au fil des pages : amplitude du point de vue, souci du détail et de la nuance, conscience de la complexité et des paradoxes inhérents à cette question.

Mais la plus originale réside dans la marche choisie par les auteurs. « Marche » et non démarche, dans la mesure où ce livre se démarque, par sa géographie interne, l’itinéraire de sa progression, son mode de circulation dans le territoire arabe-maghrébin en France, de tout ce que cette appellation, forcément problématique, soulève de questionnements inhérents à sa propre formulation. Interrogations auxquelles l’approche des auteurs apporte déjà une série de réponses, puisque ce livre, preuve de la justesse de sa démarche, réussit dans le même mouvement à traiter son objet et à mieux le nommer.

Ce double défi est relevé grâce à une fusion de l’écrit et de la parole, un va-et-vient complexe entre les multiples travaux existant et le témoignage des principaux concernés, entre l’analyse et le vécu, une sorte de commentaire de l’écrit par les auteurs et les acteurs. Un ton en découle, produit d’une fusion féconde entre la citation et le témoignage qui, de la première à la dernière page, entraîne le lecteur et, lui dévoilant graduellement questions résolues et non résolues, ouvre ainsi des perspectives nouvelles et des interrogations supplémentaires.

Quatre registres sont successivement abordés au fil des huit chapitres de l’ouvrage : état des lieux, histoire coloniale, réforme de l’islam (interrogation voulue, à juste titre, par les auteurs) et politique.

Le premier est traité dans le chapitre « Paroles d’“Arabes” », qui reproduit des témoignages efficacement regroupés autour de nombreux thèmes et d’autant de vécus concernant l’identité, la place ou le manque/déni de place dans la société française, le sentiment d’« étrangeté », le racisme insidieux, la solitude, l’affaire-écran du voile, les alternatives qui n’en sont pas, la difficulté supplémentaire d’être aussi femme arabe en France, la ghettoïsation imposée ou communautariste, la sexualité, questions toutes imbriquées qui résultent finalement en une sorte de couple contradictoire, « schizophrénie identitaire » et volonté, individuelle ou collective, de s’en sortir, de faire de sa frustration la base du dépassement de sa condition. Bref, un paysage complexe et chargé, divers et contradictoire, une polyphonie de la douleur, y compris chez ceux qui sont parvenus à la dépasser.

Le deuxième registre, celui de l’histoire, est abordé dans les chapitres « L’héritage colonial » et « Du racisme comme système » qui, présentant travaux et commentaires d’historiens d’une part et « système raciste » d’autre part, s’en retournent en quelque sorte aux sources de l’histoire d’un couple, la France et le Maghreb, une histoire ancienne et tumultueuse commencée en Afrique du Nord et jamais vraiment apaisée. À ce détail près que, loin d’en faire une chronique - d’où l’intérêt de l’étude du fonctionnement et du développement du racisme en France aujourd’hui -, les auteurs s’attachent aux pesanteurs présentes, au poids, littéralement, de cette histoire, aux représentations aussi qui en sont issues et qui font que l’histoire de la colonisation, loin de releverdu passé, est affaire présente et lancinante à plus d’un titre.

Le troisième registre, « Réforme de l’islam ? », fait l’objet du quatrième chapitre et s’apparente à une sorte de détour, inévitable, par la question du dogme et la nécessaire interrogation aujourd’hui posée à l’ensemble des musulmans dans le monde, celle de la modernité et des réformes qu’elle impose. Détour inévitable, non seulement du fait que l’islam est la religion de la population concernée par cet essai, mais parce qu’il impose à cette dernière de se poser aussi des questions sur elle-même, sur son « être intime », et de trouver ainsi les meilleurs moyens pour parvenir à une relation harmonieuse entre sa foi et sa citoyenneté.

Le quatrième registre, celui du politique, est le plus long, qui couvre les quatre derniers chapitres. Abordant les grands débats en cours - de l’instrumentalisation possible du vote arabe à la question des formes d’organisation de la communauté maghrébine en passant par l’étude d’un cas d’espèce voisin et créatif, celui de la Belgique, et l’impact des questions et conflits actuels dans le monde arabe, largement couverts par les médias moyens-orientaux -, il trace les pistes et ouvre les perspectives pour une politique juste, c’est-à-dire libératrice, équitable et fraternelle, bref républicaine. Aussi, pour clore cette brève présentation, une évidence s’impose-t-elle au lecteur : faisant littéralement œuvre d’intérêt public, Le Mal-Être arabe est un livre citoyen au plein sens du terme.

Elias Sanbar - Le Monde diplomatique, avril 2005

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