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Publié le 9 novembre 2004 par iso
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la position de l’armée et des ressortissants français pourrait devenir rapidement intenable
François-Xavier Verschave
Côte d’Ivoire

Quelle responsabilité la France a-t-elle dans la crise ivoirienne ?

La Côte d’Ivoire a été le coeur de la Françafrique, comme Houphouët était au coeur du réseau Foccart. Tout cela se donnait une allure plutôt bonhomme, mais les opposants, parmi lesquels a longtemps figuré Laurent Gbagbo, ont connu la répression, l’emprisonnement, le massacre (exceptionnel, il est vrai). Pour prolonger son règne, Houphouët a aiguisé les antagonismes entre ses successeurs potentiels. Et il leur a laissé des finances en ruines. Gbagbo, son irréductible opposant, incarnait une dynamique anti-impérialiste qui dépassait les clivages régionaux. Il l’a troquée en 1992 pour une mobilisation identitaire, l’ivoirité, et a laissé une frange de ses partisans dériver vers une sorte de « national-socialisme ». La doctrine originale avait prospéré, elle aussi, dans un pays malade.

 


Gbagbo se serait accommodé de la Françafrique si elle l’avait laissé tranquille. Mais Chirac, Sarkozy, Bouygues et tutti quanti pensaient paresseusement que la Côte d’Ivoire devait rester leur propriété. Ils ont profité des excès de certains fans de Gbagbo pour favoriser une guerre civile.

Puis les apprentis-sorciers ont constaté les dégâts : un pays rendu ingouvernable, une équation politique quasi-impossible. Le jusqu’au-boutisme des uns et des autres aidant, et leur irresponsabilité, la reprise de la guerre menace de plus en plus. Une guerre qui pourrait, de proche en proche, embraser toute la région.

S’agit-il d’un dernier soubresaut de ce que vous avez appelé la Françafrique ?

Gbagbo ne veut pas renoncer à une stratégie discriminatoire en contradiction avec les convictions panafricaines des pères de l’indépendance (et en cela il chausse les bottes d’Houphouët). Mais en même temps il a compris que la rhétorique anti-françafricaine répondait à une aspiration profonde. Comme souvent dans l’histoire, une revendication souhaitable est portée par des leaders peu recommandables. C’est comme ça : la Françafrique a cassé ou assassiné les meilleurs.

Dès lors, la position de l’armée et des ressortissants français pourrait devenir rapidement intenable. On en est à un stade de tension où tout peut s’enclencher sans même que quelqu’un l’ait vraiment décidé : accrochages, embuscades, bavures, attentats, pogroms, « fureur populaire » : le premier accrochage sérieux a eu lieu samedi, suivi d’un avant-goût des réactions de la rue. Les mèches et les explosifs surabondent, de part et d’autre. Le scénario irakien peut se rejouer très bientôt en Côte d’Ivoire, avec les Français dans le rôle des Américains. L’Élysée l’a si bien compris qu’il a envoyé à la tête des 4 000 hommes de l’opération Licorne le patron du Commandement des opérations spéciales (COS), le général Poncet, qui dirigea la sinistre opération Amaryllis au Rwanda en avril 1994 : l’« évacuation de nos ressortissants »... dans la déroute et le déshonneur.

Le souvenir est cruel, car si la Françafrique a été défaite au Rwanda, les Rwandais ont payé très cher le manque de détermination africaine à enrayer le génocide : il vaut mieux ne pas trop compter sur la réactivité de l’ONU. Cette fois, les Africains sont prévenus : ils pourraient avoir à faire face rapidement à une crise majeure. La France pourrait se voir contrainte de cesser sa tutelle militaire, ce qu’elle aurait dû faire dès 1962. Ceux qui militent pour l’émancipation de l’Afrique ne peuvent envisager ce résultat, qu’ils souhaitaient, sans anticiper les responsabilités qui s’en suivront. La plupart de ces militants africains ne sont pas au pouvoir, mais leur influence sur l’opinion pourrait, le moment venu, obliger leurs gouvernements à ne pas se contenter de compter les victimes.

Quel rôle ont pu jouer les "rebelles" dans les derniers événements ?

Les rebelles en tant que tels sont très affaiblis. Mais ils se sont faits les porteurs d’une revendication qui ne pourra être éradiquée, celle d’un accès plus équitable à la citoyenneté.

Quelles personnalités politiques ivoiriennes peuvent émerger de la crise ?

La non-émergence de personnalités susceptibles de proposer une alternative crédible est ce qui conduit jusqu’ici à un pronostic pessimiste. C’est pourquoi nous insistons sur le rôle des autres pays ouest-africains et celui de l’Union africaine.

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