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Publié le 12 juin 2006 par Bruno
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Développementalisme ?
L’Occident aurait la capacité exclusive et la responsabilité de conduire au développement les pays sous-développés
stéréotype d’incompétence du colonisé/sous-développé

Le 20 janvier 1949, dans son discours sur l’Etat de l’Union, devant le Congrès, le président Truman fait naître le concept charnière rarement remis en question depuis lors et qui engloutit l’infinie diversité des modes de vie de l’hémisphère Sud dans une seule et unique catégorie : « sous-développée » (Sachs, Esteva, 2003, pp.14). Pour la première fois surgit une nouvelle conception du monde selon laquelle tous les peuples de la terre doivent suivre la même voie et aspirer à un but unique : le développement. Dorénavant, le degré de civilisation d’un pays se mesure à son niveau de production et « (...) l’impératif du développement de Truman permet au schéma universel développé/sous-développé de devenir le credo téléologique de l’Histoire » (Sachs, Esteva, 2003, pp 18).

 


Selon Henry Kissinger, au départ simple rhétorique de politique étrangère « lancée par Harry Truman en 1949 pour permettre aux Etats-Unis de s’emparer des marchés des ex-empires coloniaux européens et éviter aux nouveaux Etats indépendants de tomber dans l’orbite soviétique » (Latouche, 2004), le développementalisme va être destiné à une belle carrière. Formalisée quelques années plus tard sous les canons traditionnels de la scientificité économique par Nurkse et sa théorie du « Cercle vicieux » (Nurkse, 1953), l’idéologie développementaliste repose sur l’axiome principal suivant :

« L’Occident aurait la capacité exclusive et la responsabilité de conduire au développement les pays sous-développés » (Boudon, 1986, pp 247).

La théorie de Nurkse a été largement avalisée par la communauté internationale, sans doute parce qu’elle avançait les mêmes conclusions que beaucoup d’autres théories formulées à l’époque (« le développement ne pouvant se produire de manière endogène, il faut qu’il soit induit par l’aide extérieure ou par l’injection de capitaux étrangers »).

Ces théories étaient par ailleurs jugées utiles aussi bien pour les politiques postcoloniales étasunienne et européennes que pour les dirigeants des pays accédant fraîchement aux indépendances, le développement devenant « le fondement cognitif de la construction de l’Etat dans le tiers monde » (Sachs, Esteva, 2003, pp 20). Ainsi, les élites nationales africaines formées en Occident parvenues à la tête des états formellement indépendants reprenaient à leur compte une structure idéologique « restée au sein d’un système prédéterminé d’analyse intellectuelle eurocentrique de l’homme et de la société, et [qui] s’est efforcée de redéfinir l’Afrique et sa société en fonction de ces termes venus de l’extérieur » (Wole Soyinka cité par Saïd, 2000, pp 325)

Ainsi, on distingue aujourd’hui les différents groupes humains en fonction d’un axe Nord/Sud regroupant différentes nations, les « pays du Sud » (inférieurs sur l’échelle du développement) étant, pour la quasi totalité d’entre eux, des pays anciennement colonisés. Ces deniers sont regroupés sous diverses appellations : « pays du sud », « P.V.D, pays en voix de développement », « P.M.A, pays les moins avancés », « pays pauvres », etc... On retrouve dans le développementaliste et le racialisme qui le sous-tend les fondements de l’idéologie coloniale, à savoir « la légitimation du système par référence aux niveau différentiels de développement et par une attribution d’un stéréotype d’incompétence au colonisé » (Licata, Klein, 2005, pp 274) ou, dans le cas présent, aux populations des pays en « voix de développement ».

Malgré la mise en péril du modèle développementaliste, notamment par ses désastreux échecs au cours du siècle dernier, ce que certains qualifient de « mythe du développement » (Rist, 1996) continue aujourd’hui d’être « l’orthodoxie majoritaire » (Deconchy, 1984), diverses stratégies de « sauvegarde idéologique » ayant été mises en place :

« Pour tenter de conjurer les effets négatifs de l’entreprise développementaliste, on est entré dans l’ère des développements à particule. On a vu surgir des développements autocentrés, endogènes, participatifs, communautaires, intégrés, authentiques, autonomes et populaires, équitables, durables... sans parler du développement local, du microdéveloppement, de l’endodéveloppement et même de l’ethno-développement ! » (Latouche, 2003, pp 13-14)

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Notons qu’on peut percevoir là une « contestation interne » de l’orthodoxie idéologique bâtie autour du développement, contestation interne qui comme le rappelle Deconchy joue un rôle essentiel dans la perpétuation du système dans la mesure où « elle joue dans l’ordre même du champ socio-cognitif que ce système a mis en place » (Deconchy, 1989, pp 36).

 


 

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