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Publié le 22 juin 2006 par iso
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L’Appel des chibanis
Communiqué du Collectif indigènes de la république (Ile-de-France)

Si rien ne se produit d’ici là, mercredi 21 juin, 34 travailleurs retraités immigrés du quartier du Rouet à Marseille seront expulsés de l’hôtel meublé où ils résident depuis de nombreuses années pour cause de restructuration urbaine. Leur sort est maintenant suspendu au verdict d’un tribunal saisi par le maire de la ville Jean-Claude Gaudin, adepte de longue date de l’immigration « jetée » surtout quand cela favorise de juteuses opérations foncières.

 


Cette offensive immobilière anti-immigrés et anti-pauvres sans précédent par son ampleur, la municipalité projette de l’étendre ensuite à de nombreux quartiers populaires où résident des milliers d’autres descendants de colonisés. Cependant pour parfaire l’étranglement des chibanis il fallait une deuxième pince à la tenaille...

En effet, dans le même temps, les services fiscaux de la ville de Marseille, rompant avec la tradition refusent désormais de considérer comme adresses légales les hôtels meublés ou vivent des milliers de travailleurs immigrés, Algériens pour la plupart. C’est sous ce prétexte, défaut d’adresse légale, qu’ ils viennent de radier 3000 chibanis du bénéfice du « revenu minimal des personnes âgées » (ASFSV) ne pouvant justifier d’une résidence en France d’au moins six mois dans l’année. Ils entendent, prétendent-ils, « lutter contre les faux résidents qui polluent les fichiers ». C’est bien d’une accusation d’escroquerie qu’il s’agit là, à l’encontre de nos retraités, tant il est vrai que pour le système raciste français jeunes ou vieux, la racaille basanée n’a point d’âge. Par ailleurs, quoi de plus saugrenu que cette accusation pour l’administration d’un Etat qui peut s’enorgueillir de piller la moitié de l’Afrique sans vergogne depuis des siècles. Alors que pour les vieux travailleurs maghrébins, la vie se déroule sur les deux rives de la Méditerranée, comment, compte tenu de leurs maigres revenus, pourraient-ils habiter ailleurs que dans ces mêmes hôtels meublés ?

Comment exiger d’eux, "non nationaux, extra européens", de telles preuves de résidence en France alors que dans le même temps n’importe quel membre de la communauté dominante "blanche" pourra sans problème percevoir ses allocations vieillesse où que ce soit dans le monde : Marrakech, Bangkok ou l’île Maurice.

Comment justifier cette inégalité foncière dans les droits sociaux ? Arrachés à leur pays par le fait colonial ou impérialiste, après une vie d’exil et d’esclavage industriel en « métropole »,soumis aux travaux les plus périlleux, les plus exposés, les moins rémunérés, dont ils subissent les séquelles indélébiles, sujets à une surmortalité prématurée avérée, ne bénéficiant au plan santé que des soins dits « immédiats », ayant toutes les peines à faire reconnaître comme telles leurs « maladies professionnelles » , entassés dans des taudis, des chambres de foyers surpeuplés, des hôtels meublés de fortune, non médicalisés, privés (pour ceux retournés au pays) des allocations familiales, contraints (pour certains restés en France) de demeurer loin de leurs enfants pour ne pas perdre le bénéfice des allocations vieillesse nécessaires à la famille restée là-bas, des milliers de travailleurs ex colonisés ou descendants de colonisés éprouvent ce qu’il en coûte d’être nés du mauvais côté de la Méditerranée.

Que dire des femmes, les chibaniettes, veuves de ces travailleurs lorsqu’ils décèdent. Souvent esseulées, démunies de tout, certaines sombrent dans la mendicité. Ne pouvant espérer percevoir d’aides que sous les mêmes conditions de résidence en France mais n’en ayant pas toujours les moyens, elles sont la proie de toutes les agressions, de tous les dangers.

Ainsi, c’est sans doute dans le sort qui est fait aux chibanis, en fait, nos pères , grands pères ou oncles, que se dévoile avec le plus de cynisme et de violence le traitement infligé aux populations issues de l’immigration post coloniale.

Toutes et tous, de même que les anciens combattants indigènes, adressent un grand merci à la République française universelle, pour la haute considération dans laquelle elle les a toujours tenus. Ce faisant Marianne ne fait qu’exposer là son principe cardinal, celui qu’elle a toujours mis en application dans ses colonies et dans ses quartiers populaires, celui de l’inégale dignité et utilité des hommes. Non la loi n’est pas la même pour tous puisque les droits ne sont pas les mêmes. Au contraire la République réserve à ses nouveaux indigènes une législation d’exception qu’elle peaufine jour après jour.

Nous n’en doutons pas il s’agit là des premières manœuvres d’une offensive de grand style contre près de 200 000 vieux travailleurs immigrés issus de l’empire français. C’est sur leur maigre retraite, après avoir vécu hier sur leur labeur et aujourd’hui encore sur les richesses de leur pays, que la République française entend faire des économies et réduire le prétendu trou de la Sécurité sociale. En ce sens le cas de Marseille fait bien office de laboratoire de gestion néo coloniale.

Le collectif « Indigènes de la République Ile-de-France » dénonce les mesures de bannissement raciste dont sont victimes les chibanis de Marseille et les discriminations dans le droit à la retraite réalisées dans le silence complice de la Gauche et de la Droite confondues.

Il apporte son soutien entier aux chibanis qui, loin de gémir sur leur sort ne demandant ni pitié ni larmes, entendent défendre leur droit avec courage et dignité. Ils sont entrés en résistance depuis le 26 avril 2004, refusant de se plier à un diktat colonial dont le caractère discriminatoire est par trop évident. Ils exigent au moins un relogement collectif sans dispersion, correspondant à leur revenus. Peut-on imaginer la police de la République évacuer un immeuble de retraités et électeurs blancs ? Peut-on imaginer le trésor public couper les vivres à des milliers de retraités blancs, sous un prétexte administratif futile ?

Toutes ces belles paroles sur le troisième âge et nos devoirs à son encontre, tous les beaux discours sur les droits de l’enfance et son caractère sacré ne sont que mensonges et s’arrêtent aux frontières de la couleur et de l’argent. Quelle est cette république où être descendant de colonisé, Français ou pas, est déjà une quasi infraction, une quasi atteinte à la sécurité publique ?

Au-delà de leur situation, c’est en fait pour nous tous, le droit à la libre circulation, celui du choix de sa résidence, d’une scolarité sans entrave, de l’arrêt des harcèlements policiers ou administratifs, de la fin des discriminations à l’embauche, que les 34 chibanis de Marseille se lèvent.

Les indigènes de la République _ http://www.indigenes-republique.org/imprimer.php3?id_article=279


Nous appelons tous ceux qui entendent lutter pour une société égalitaire à soutenir leur combat. Comme celle des banlieues pour la justice et le droit à un travail, comme celle contre le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la lutte des chibanis de Marseille ouvre la voie à l’égalité concrète.

Le mardi 20 juin 2006

Le collectif Indigènes de la République Ile-de-France

 


 

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