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Publié le 14 décembre 2004 par iso
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"Droits de l’Homme" & profits
Côte d’Ivoire
CNT - AIT

Que se passe-t-il donc en Côte d’Ivoire ? On a entendu parler d’une attaque contre un camp militaire français. La riposte de l’armée française a été immédiate et a entraîné la destruction d’avions des Forces nationales de Côte d’Ivoire. Des émeutes anti-françaises ont aussitôt éclaté, notamment à Abidjan. Les médias n’ont plus ensuite parlé que de ces pauvres Français rapatriés, qu’on a pu voir à l’aéroport puis dans des centres d’accueil. Mais pas une chaîne n’a fourni d’explications sur la situation en Côte d’ Ivoire ou sur les raisons du conflit.

 


En Côte d’Ivoire, les intérêts français représentent un tiers des investissements étrangers et 30 % du produit intérieur brut, ce qui est énorme, l’économie ivoirienne représentant elle-même 40% du PNB de l’Afrique de l’ouest. Au moment de la décolonisation, en 1960, Houphouët-Boigny fut érigé en véritable "sous-préfet"des intérêts français, faisant adopter par l ’assemblée du parti unique une Constitution qui avait été rédigée à Paris par un juriste français. La Côte d’Ivoire devint, dans les faits, un territoire français d’outre-mer, dirigée par un président fantoche et dictateur : il fit emprisonner et torturer ceux qu’il pouvait suspecter de non-soumission absolue, fonctionnaires, membres de son entourage, notables, parents des accusés, et réprima dans le sang deux révoltes régionales. Peu importe. Tant que les intérêts français ne sont pas remis en cause, personne dans la classe médiatico-politique française ne s’offusque d’un régime totalitaire. Grâce à un "Code des investissements" de type colonial permettant un "rapatriement"des bénéfices réalisés sans acquitter taxes et impôts, les entreprises françaises ont pu prospérer en terrain conquis. Depuis 1960, elles brassent et "rapatrient" ainsi 75% de la richesse produite en Côte d’Ivoire !

Mais à la mort du président fantoche (1993), la situation a peu à peu évolué, le pouvoir local s’est cherché d’autres "protecteurs". Dès 1994, le président Konan Bédié avait amorcé un bras de fer avec la France, en rétrocédant des contrats d’exportation de café-cacao à des géants américains, et une licence de prospection de pétrole off-shore à Venco. La Côte d’Ivoire n’est pas un gros producteur de pétrole, mais c’est de très loin le premier producteur mondial de cacao, avec cette année 1,45 millions de tonnes récoltées, ce qui représente 45% de la production mondiale. Les multinationales françaises sont fortement soupçonnées d’avoir à ce moment encouragé le général Gueï à prendre le pouvoir par un coup d’Etat, ce qu’il fit en 1999. Un an après, Gueï est obligé d’organiser des élections présidentielles. Il entend bien les remporter en faisant invalider les candidatures de Konan Bédié pour cause de corruption et de Ouattara pour cause de "non-ivoirité". Mais c’est Gbagbo qui est élu. Lui aussi veut défranciser la Côte d’Ivoire, dont les transports, l’eau, l’électricité, les voies de communication... sont contrôlés par Saur, EDF, Orange, Telecel, Bouygues...tandis que le secteur bancaire est dominé par la Société générale, la BNP et le Crédit lyonnais. Il ouvre à la concurrence internationale les marchés ivoiriens, ce qui inquiète fortement les entreprises françaises, habituées à n’avoir sur place aucune concurrence. Il se rapproche des Etats-Unis, qui lui accordent une aide généreuse sous couvert de fonds de lutte contre le sida.

En 2001, la parti de Ouattara remporte les élections municipales et en 2002, un mouvement rebelle fomenté au Burkina Faso, où les services secrets français sont omniprésents, prend rapidement le nord du pays. Les militaires français lancent alors leur opération "Licorne ", qui, sous couvert d’éviter une guerre civile, permet en fait de couper le pays en deux et de faire ainsi pression sur les deux parties. Peu importe qui de Ouattara ou de Gbagbo sera le plus totalitaire, seul importe le respect des intérêts des groupes français dans le pays. Exactement comme en Afrique Centrale, où les réseaux français ont organisé un coup d’Etat pour renverser un gouvernement "démocratique"et le remplacer par un dictateur. La différence essentielle, c ’est que ce dernier leur demandait "pour son pays" 17 % des bénéfices de l’ exploitation du pétrole, alors que le gouvernement renversé leur en demandait 33 %...

Toutes ces ingérences, qui profitent aussi aux dirigeants locaux, ne gagnent évidemment pas à être connues du peuple. La solution est comme toujours de diviser pour mieux régner. C’est ce qui est en vigueur partout et notamment en Afrique que l’on présente toujours comme minée par l’éternel problème des luttes entre ethnies. La Côte d’Ivoire ne fait pas exception, avec plus de 60 ethnies présentes dans le pays. De plus, le "développement économique"s’ est accompagné d’une immigration importante provenant des pays voisins (26% de la population ivoirienne). A partir de 1994, l’émergence du concept d’ "ivoirité" semble bien fait pour répondre aux problèmes de crise économique et de dévaluation du franc CFA. Inconscients des manœuvres politico-économiques des profiteurs français ou ivoiriens, les ivoiriens moyens sont entretenus dans la vision d’une spoliation de leur pays par les étrangers... africains (les immigrés, donc, pas les colons !). Quant aux Français moyens, ils sont entretenus dans la vision que la guerre entre les partis de Ouattara et Gbagbo serait une lutte entre ethnies.

En attendant, les firmes françaises entendent bien conserver la maîtrise de la situation, fut-ce par bain de sang interposé. Ce sont leurs appels qui expliquent que Chirac a subitement eu des états d’âme "droits-de-l’hommiens" concernant la Côte d’Ivoire, lors du sommet Afrique-France de 2003. Il a considéré que les “escadrons de la mort” ivoiriens étaient bien une réalité et il a proclamé la fin de l’impunité pour les chefs d’État qui ne respecteraient pas les droits de l’homme, les menaçant de poursuites devant le Tribunal pénal international. Une fois encore que les "droits de l’homme" ne signifient rien d’autre que le droit des entreprises à faire des profits.

P.

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CNT-AIT

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