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Publié le 3 janvier 2005 par iso
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L’Église et le génocide au Rwanda
Jean Damascène Bizimana
Paris, L’Harmattan, 2000

Pour qu’un crime de masse puisse s’accomplir, il faut que les tueurs, dans leur destruction effrénée de populations civiles sans défense, se sentent épaulés, encouragés ou tout au moins couverts ou approuvés par les discours, les silences d’instances ayant autorité. Pour qu’au Rwanda, un pays « christianisé à 92% » (selon le recensement de 1991), se déroule un génocide d’une telle ampleur, avec une telle fulgurance et une si grande cruauté, il a fallu que l’Église catholique en général (et plus particulièrement certains de ses « Hommes ») donne son absolution aux porteurs de machettes, qu’elle ferme les yeux, cautionne leurs actes et soutienne une idéologie haineuse (quand elle ne participait pas directement à sa construction et à sa diffusion). Ainsi plusieurs Pères Blancs pataugeait-ils allègrement « dans le marais de l’ethnicité », reprenant, par exemple, les mêmes couplets ethnistes, sexistes et concupiscents que les médias de la haine, tel celui sur l’infiltration des organisations humanitaires par les « jolies tutsi », aux « charmes inégalables » (p. 86).

 


L’Église et le génocide au Rwanda : Les Pères Blancs et le Négationnisme, Jean Damascène Bizimana, Paris, L’Harmattan, 2000, 154 pages, 95 F.

A posteriori, on trouve même chez ces missionnaires bien particuliers (ces colporteurs de mauvaises paroles !) des analyses qui justifient le génocide en reprenant les clichés des idéologues du Hutu Power, expliquant ainsi « la rage meurtrière des Hutu [par] la honte et les humiliations » endurées « sous le pouvoir de la minorité tutsie qui se considérait comme la race des seigneurs et les méprisait » (p. 38). C’est cette compromission, ce « rôle macabre [joué] dans l’expansion d’une idéologie raciste » (p. 14), ce « copinage avec les idéologues du génocide » que Jean Damascène Bizimana dénonce avec lucidité et courage dans son percutant ouvrage, aux documents et aux témoignages (gênants) inédits.

L’auteur épingle les oublis, les infâmes mensonges, et au final « l’immense mépris » pour les victimes et les rescapés, d’une Église catholique qui aujourd’hui encore refuse catégoriquement de reconnaître ses compromissions et son implication dans ce « Crime des crimes ». Une Église dérivant vers des analyses négationnistes (notamment la thèse du « double génocide » colportée par les Pères Blancs) et continuant à protéger, à cacher et même à exfiltrer des prêtres accusés de génocide.

Il est dommage qu’un auteur qui lutte avec une telle force et détermination contre les travestissements et autres camouflages d’un génocide soit publié dans une maison d’édition qui continue à diffuser l’ouvrage de Ferdinand Nahimana (Le Rwanda, émergence d’un état, 1993). Ce dernier, formé dans nos universités (thèse soutenue à Paris-VII), accusé d’avoir participé au massacre de 300 Tutsis du Bugesera en mars 1992, était directeur des programmes de la criminelle Radio Mille Collines. L’édition de la thèse en 1993 par L’Harmattan était significativement "complétée" d’une conclusion politicienne et de la mention des fonctions de son auteur à la tête de l’Orinfor, dont on connaissait pourtant la responsabilité dans les massacres du Bugesera en 1992.

Mais, celui qui fut surnommé le « Goebbels hutu » n’est pas le seul sinistre personnage à avoir trouvé refuge à L’Harmattan. Puisque depuis décembre 1998, ces éditions abritent les écrits d’un Roger Garaudy. Ce négationniste et antisémite notoire est d’ailleurs lui aussi défendu par un Père Blanc, le père Lelong qui, dans l’opuscule anonyme paru en juin 2000 : Le XXIe siècle.

Suicide planétaire ou résurrection ? (où figurent deux textes de Garaudy), s’élève contre ceux qui ont tenté de le « diaboliser » (voir l’article de Didier Daeninckx, « Sciences inhumaines à l’Harmattan. Les éditions tiers-mondistes vont-elles passer sous la botte des négationnistes du groupe Garaudy ? », in Amnistia.net / Les enquêtes interdites, n° 2, décembre 2000-février 2001, p. 46-52)

Ajoutons qu’elles viennent également de publier le livre d’auto-promotion de Vincent Ntezimana, accusé en Belgique de participation au génocide : La justice belge face au génocide rwandais. L’Affaire Ntezimana (coll. L’Afrique des Grands Lacs, 2000).

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Fiche de lecture réalisée par F.B. pour Liaison Rwanda

 


 

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