SiTe
aCcEuiL

Lettre ouverte au photographe Reza, à propos de l'exposition de
photographies sur les grilles du Jardin du Luxembourg

Emmanuel Cattier

 

 

Cher Monsieur Reza,

Vos belles photographies sont ornées de commentaires qui feraient mal au
million de morts Batutsi du Rwanda. Comment pouvez-vous ignorer à ce point
cette réalité dans vos commentaires ? Comment pouvez-vous être aussi
silencieux sur les véritables victimes de ce génocide... qui n'ont plus
aucune parole pour se plaindre ?

Lorsque le TPIR a été institué par l'ONU il s'agissait de juger les
génocidaires du Hutu Power, qui avaient formé le "GIR", Gouvernement
Intérimaire, qui exécuta un génocide des Batutsi et des Bahutu "modérés",
préparé depuis plusieurs années. Plus d'un million de victimes sont à
déplorer dans la population rwandaise sur huit millions.

Dans l'avion qui a été percuté par deux missiles le 6 avril 1994 vers 20
heures, les Présidents du Rwanda et du Burundi ont été tués. Cela a été un
prétexte pour déclencher le génocide des Batutsi là où il avait été préparé,
au Rwanda, et aucun génocide au Burundi, alors que la structure de la
population est la même dans les deux pays. Comment expliquez-vous cette
histoire différente dans les deux pays face à la même mort de leurs
Présidents de la même caste, alors que selon les tenants les plus
négationnistes du génocide Rwandais, cet attentat est la seule cause du
génocide ?

Cette différence entre les deux pays montre bien qu'un génocide d'une telle
ampleur n'est pas né spontanément par une révolte liée à l'assassinat d'un
Président.

Que vous dire encore, si ce n'est qu'il faudrait approfondir vos recherches
avant de conclure que les réfugiés Hutus sont victimes du génocide. Un grand
nombre d'hommes parmi ces réfugiés étaient des génocidaires, sans doute plus
de la moitié d'entre eux. S'ils ont fuit, c'est d'abord parce qu'ils
n'avaient pas la conscience tranquille... Ils avaient peur d'être
poursuivis, exécutés ou jugés et condamnés. Ils ont malheureusement
entraîné leurs familles dans leurs errances. Ils savaient que le FPR
arrivait... mais même s'il y eut des représailles aveugles, qualifiables de
crimes de guerre, elles n'ont certainement pas atteint le niveau d'un
génocide. Aujourd'hui le Rwanda est peuplé de plus de huit millions
d'habitants ! Ceux là n'ont pas été « génocidés » ! Pourtant le FPR est au
pouvoir depuis dix ans. La plupart des morts Bahutu sont dûs aux conditions
inhumaines qu'ils ont rencontrés dans la forêt zaïroise.

Mais voyez-vous Monsieur, si vous prenez la peine de parcourir notre site
internet, sur lequel nous avons commenté vos commentaires, vous apprendrez
que la France s'est gravement compromise avec les génocidaires Rwandais. Et
les Sénateurs, comme les Députés, cherchent à noyer le poisson. C'est une
deuxième mort pour ces victimes de la honte, qui seraient pour la plupart
encore vivantes, (et les familles des génocidaires auraient évité la fuite
au Zaïre), si la France avait eu une autre attitude de 1990 à 1994, y
compris jusqu'à la fin de l'opération Turquoise. Ces réfugiés ont vécu la
misère dans laquelle leurs pères et leurs frères les ont entraînés... quand
ce n'était pas leurs mères elles-aussi, car on a vu aussi beaucoup de femmes
Bahutu au Rwanda faire preuve d'une grande cruauté. On a torturé et tué ses
voisins Batutsi, qui partageaient les mêmes conditions de vie..., si j'ose
dire, car les Batutsi, depuis trente ans, étaient victimes de nombreuses
discriminations, de massacres, d'emprisonnements, de refus d'accès aux
études et à l'administration à l'intérieur et de refus d'accès à leur pays
pour ceux de l'extérieur. Le génocide des Batutsi au Rwanda a commencé en
1959. Vous verrez sur notre site un article du journal Le Monde de 1964, 30
ans avant avril 1994, qui parlait déjà sur trois colonnes de « l'
extermination des Tutsi » au « Ruanda ». Le mot génocide est employé dans l'
article. Donc les affaires étrangères connaissaient le contexte.

Enfin vous saurez que les rares rescapés de ce génocide, l'ont été grâce au
courage de certains Bahutu qui ont refusé de se laisser dominer par les
pressions ambiantes énormes. Ceux-là sont de véritables héros du génocide.
Ils n'ont pas trahis leurs frères Batutsi. De plus vous verrez que ces
"ethnies" ne sont pas des ethnies : tous les Rwandais parlent la même
langue, ce qui est remarquable en Afrique, ont les mêmes coutumes, et les
mêmes religions, et de nombreux mariages viennent perturber cette
classification hasardeuse issues des errances intellectuelles occidentales
du vingtième siècle qui avaient déjà engendré le génocide des Juifs. Hutus,
Tutsi et Twa sont plutôt des castes sociales, dramatiquement figées dans
leurs fonctionnements par la dictature du colonisateur belge dès les années
20, entre autre par une carte d'identité utilisée comme l'étoile jaune
pendant la dernière guerre !

J'ai exercé pendant sept ans le métier de photographe au milieu de la
"France d'en bas", cher Monsieur, je connais la rapidité avec laquelle on
passe d'un sujet à l'autre quand on prend des photos ! L'une des vérités qui
me hantait le plus quand je prenais des photos, c'était une simple phrase du
"Petit Prince" de Saint-Exupéry : "L'essentiel est invisible pour les
yeux..." Les textes sont là pour donner un sens aux photos. Qu'ils n'égarent
pas l'émotion.

Ceci dit, vos photos sont très belles. C'est dommage de gâcher ainsi votre
travail en renforçant l'approche esthétisante par des commentaires qui
passent de la pommade dans le dos des biens-pensants qui se penchent sur la
"misère du monde"... dont nous sommes pourtant objectivement responsables,
particulièrement au Rwanda, à travers les autorités que nous avons élues en
France.

http://survie67.free.fr/

^
SiTe
aCcEuiL