"L'Affaire" Facolne

Survie

Pierre Falcone a quitté la France grâce à son passeport diplomatique angolais

LE MONDE | 22.09.03 | 13h10


L'homme d'affaires s'est envolé pour Londres dimanche après-midi, en dépit du contrôle judiciaire qui lui interdisait de quitter le territoire.
Pierre falcone n'a pas perdu de temps. L'homme d'affaires français, au centre de l'enquête sur les ventes d'armes au régime angolais, a quitté la France, dimanche 21 septembre, trois jours après s'être fait remettre sa plaque diplomatique et une carte du ministère des affaires étrangères français attestant son immunité. M. Falcone a pris un avion à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, en début d'après-midi, en direction de Londres, d'où il devrait s'envoler dans les jours prochains pour Luanda, la capitale de l'Angola. Pierre Falcone doit y rencontrer le président de la République angolaise, José Eduardo Dos Santos. Il se rendra ensuite en Arizona, aux Etats-Unis, où réside sa famille.

L'un de ses avocats, Me Yves Lévy, a réaffirmé lundi matin au Monde que M. Falcone n'avait "pas fui la justice". "Il reviendra très vite en France et se tiendra toujours à la disposition des enquêteurs." Me Lévy a toutefois déploré que son client "n'ait pas été interrogé sur le fond du dossier par le juge Philippe Courroye depuis deux ans".

M. Falcone réserve sa première visite au chef de l'Etat angolais afin de le remercier. En le nommant, le 10 juin, ministre plénipotentiaire, représentant de la République d'Angola auprès de l'Unesco, l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture dont le siège est à Paris, M. Dos Santos a permis à l'homme d'affaires d'obtenir une immunité diplomatique qui l'affranchit de son contrôle judiciaire. Ce dernier lui interdisait notamment de quitter le territoire français et de rencontrer les principaux protagonistes du dossier, parmi lesquels figurent plusieurs dignitaires du régime angolais - dont le chef de l'Etat lui-même.

"ORGANISATION SECRÈTE"

Les liens entre M. Falcone et le régime angolais ne se limitent pas à l'enquête du juge Philippe Courroye sur les ventes d'armes. Ils sont apparus au détour des investigations menées par le juge genevois Daniel Devaud - en liaison avec M. Courroye - sur le règlement, entre 1996 et 2000, de la dette de l'Angola à la Russie, qui aurait donné lieu à des détournements de fonds évalués à 614 millions de dollars.

D'après M. Devaud, qui a évoqué au printemps 2002 dans une ordonnance, une "organisation secrète œuvrant entre Genève, Moscou et Luanda", plusieurs hauts dirigeants de l'Etat angolais auraient été destinataires de "commissions illicites", de plusieurs dizaines de millions de dollars, versées par M. Falcone et son associé Arcadi Gaydamak - visé par un mandat d'arrêt international depuis décembre 2000. Outre M. Dos Santos lui-même, soupçonné d'être l'ayant-droit économique d'un compte ouvert par M. Falcone à la Banque internationale du Luxembourg (BIL), M. Devaud soupçonne l'ambassadeur itinérant Elisio de Figueiredo, le ministre de l'industrie, Joaquim David, et le secrétaire du conseil des ministres, José Leitao Da Costa, d'avoir été bénéficiaires de virements.

Le départ de M. Falcone a suscité un vif agacement au palais de justice de Paris. Les services du procureur de la République, Yves Bot, sont en train d'étudier les différents textes relatifs aux immunités diplomatiques afin de vérifier si Pierre Falcone peut en bénéficier "totalement", ainsi que l'assurent ses avocats.

Fabrice Lhomme


FIGARO France


AFFAIRES Après la nomination du marchand d'armes par l'Angola à l'Unesco
L'immunité de Pierre Falcone n'est que partielle

E. D.
[23 septembre 2003]

L'affaire Falcone tourne à la crise diplomatique et à l'imbroglio judiciaire. Hier, le directeur général de l'Unesco (Organisation des Nations unies pour la science, la culture et l'éducation), Koïchiro Matsura, a convoqué l'ambassadeur d'Angola à l'Unesco, David Sanguende, afin qu'il lui fournisse des explications sur la nomination de l'homme d'affaires et marchand d'armes comme ministre plénipotentiaire de l'Angola auprès de l'organisation. Au siège à Paris, on se dit «interloqué», tout en affirmant n'avoir aucun droit de regard sur la désignation des diplomates.

Mais Pierre Falcone n'a pas pour autant réussi son tour de passe-passe. S'il s'est envolé vers Londres le week-end dernier, après avoir reçu sa carte diplomatique (nos éditions d'hier), il n'est pas acquis qu'il ait légalement quitté le territoire français, comme l'affirment ses avocats. Selon nos informations confirmées par le Quai d'Orsay, le statut de membre d'une délégation nationale auprès de l'Unesco ne confère pas une immunité diplomatique totale, mais partielle et limitée «aux actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions». Dans le cas de Pierre Falcone, soumis à un strict contrôle judiciaire lui interdisant notamment de quitter le pays, «il ne peut partir de France que s'il peut justifier de son activité auprès de l'Unesco, dans le pays où il se rend». Est-ce le cas de son voyage à Londres, puis de ceux qu'il a prévus en fin de semaine à Luanda pour y rencontrer le président Eduardo Dos Santos, et ensuite vers son ranch en Arizona ? Le juge Philippe Courroye, en charge de l'instruction de l'affaire des ventes d'armes à l'Angola, devrait rapidement poser la question à ses avocats.

Par ailleurs, l'immunité diplomatique dont bénéficie Pierre Falcone ne lève pas certaines obligations du contrôle judiciaire auxquelles il est soumis, à commencer par l'obligation de pointer chaque semaine au commissariat de son arrondissement.

Le juge Courroye, qui s'est renseigné auprès du Quai d'Orsay, connaît précisément le champ d'immunité diplomatique dont il bénéficie. Il peut donc vérifier si Falcone est en violation du contrôle judiciaire et décider d'éventuelles mesures. Au parquet de Paris, on indique que la décision appartient au juge d'instruction, «sachant toutefois que cette immunité interdit de l'empêcher d'exercer sa fonction de diplomate et donc de le placer en détention».

Pierre Falcone rentrera-t-il en France plus vite que prévu ? La question est désormais posée. Comme celle, plus générale, des immunités diplomatiques attribuées dans le seul but d'échapper à la justice. «Si Ben Laden devient ambassadeur auprès de l'Unesco», il n'aura plus rien à craindre, ironisait hier un magistrat. Au siège de l'organisation, l'affaire suscite aussi un vif émoi. «Il est dramatique de voir un marchand d'armes qui a vendu des mines antipersonnel, siéger dans une organisation comme la nôtre», soupirait de son côté un de ses représentants.

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