Il reste à décrypter ces autres mots, ceux de l’armée française qui partout et toujours semble prête à instruire, assister, enseigner aux troupes d’ailleurs leurs doctrines dès longtemps éprouvé. Il reste à dénoncer et retenir les mots des politiques, ceux qui confondent des guerres avec un génocide, ceux qui systématiquement semble se tromper d’ennemi et entretenir avec forces moyens des amitiés plus que coupables. Il reste à tenter de lire et de comprendre les mots des rescapés, et particulièrement dans ces circonstances étranges où ils sont recueillis et travaillés à côté de ceux des tueurs, par un journaliste français. Il reste à tenter, obstinément, de faire passer les mots des morts, de représenter ce que d’aucuns aimeraient masquer du sceau injonctif de l’irreprésentable, et de comprendre comment cet interdit est ou non franchi par l’expérience du théâtre.
Nous l’avons essayé, aux marges de la Commission d’Enquête Citoyenne, avant et après, lors de tables-rondes, de conférences, organisés par Aircrige et Survie, du 7 au 27 mars 2004. Une partie de ces textes paraît ici, sous une même problématique : Rwanda 1994-2004. Ils suivent les conclusions de la Commission d’Enquête, les expliquant ou les commentant, s’y ajoutant comme en marges, pour mieux comprendre simplement ce que peuvent les mots, qu’ils servent à défaire ou à créer.
Voici donc un ouvrage, entre l’histoire et l’écriture, entre culture et politique, résolument en questions esthétiques, articulé en moments continus de réflexion autour de faits, de mots et d’œuvres, aux temps des commémorations.